11 Lettres de Béhanzin qui Racontent La Véritable Histoire de La Guerre entre le Danxomè et la France

Qui ne connaît pas l’histoire de ce célèbre roi de la lignée d’Akaba[1] qu’est Béhanzin ?  Personne, me direz-vous. Mais chacun connait une histoire aussi vague soit-elle du roi Behanzin, contée par des historiens et des maîtres d’école, différant d’un endroit à un autre, d’un conteur à l’autre. Et bien, et si nous vous contions l’histoire à travers les écrits du roi Béhanzin lui-même ?

En 2006, pendant la commémoration du centenaire de la disparition du Roi Béhanzin, la Fondation Zinsou publia ‘’Béhanzin, correspondances et discours’’ mettant à la disposition du public des sources inédites sur la vie du roi. 11 ans plus tard, nous nous penchons sur les 11 lettres écrites par ce dernier et contenues dans les archives afin de retracer son histoire.

Un héritage convoité par les Français et les Portugais.

La première lettre est un message de Glèlè, prédécesseur et père de Béhanzin, à Dom Louis 1er, Roi du Portugal. Il y rejetait un protectorat donnant des droits aux Portugais sur les terres de Ouidah et signé dans son dos. Pour Glèlè, il était inacceptable de laisser les Européens s’accaparer des terres des Africains.

Le père de Béhanzin autorisait seulement la continuation des relations commerciales entamées en 1841 par son propre père, le Roi Guézo. Il prévoyait même de faire apprendre aux Africains la fabrication de tissus, de verreries et de tout autre article venu d’Europe afin de s’approprier le marché et de mettre fin à cette relation commerciale si les Européens continuaient les dérives.

Nous sommes en Juillet 1887. C’est dans cette atmosphère plutôt tendue que le Prince Kondo, futur roi Béhanzin, fut préparé à prendre la relève de son père. Ce dernier l’associa à la gouvernance ; « J’ai envoyé mon fils Coundo, Prince Héritier de mon trône afin de traiter avec les Portuguais .». Le futur Roi s’engagea à défendre tout au long de son règne les droits de chaque peuple à vivre sur son territoire comme l’énonçait son père ; « Il vaut mieux que chaque Nation gouverne ses terres. Les Blancs avec les leurs et leurs rois et moi, Roi du Dahomey avec les miennes.». Glèlè mourut le 30 Décembre 1889 puis Kondo devint Behanzin et hérita de son combat.

Il vaut mieux que chaque Nation gouverne ses terres. Béhanzin Cliquez pour tweeter

Un règne dans un contexte diplomatique tendu.

Les Rois du Dahomey depuis le principe de leur royaume n’ont jamais donné leur territoire, ils ne le peuvent pas, c’est impossible. Béhanzin

En 1890, Béhanzin, nouvellement couronné roi, fut tout de suite confronté au premier affrontement entre les troupes dahoméennes et françaises. Suite à un bombardement de Cotonou (à l’époque annexé par le Danxomé) par Jean Bayol représentant de la République française, les autorités Dahoméennes sur le territoire furent emprisonnées à Porto-Novo. Béhanzin riposta en capturant 8 ressortissants français et proposa d’échanger leur liberté contre celle des siens. C’était les prémices de la guerre entre les troupes françaises et Dahoméennes.

Maintenant pourquoi cette guerre de Cotonou sans motif aucun ? M. Bayol a appelé nos autorités à la factorerie, les a enfermés et après a lancé ses soldats pour massacrer tout le peuple : les petits enfants, les femmes enceintes ont été également massacrés et nous n’avons pas été prévenus de cette guerre. Béhanzin au Président de la République Française

Béhanzin enchaîna donc deux missives au président de la République Française pour signifier son amitié et son désir de rester en paix. Il souligna par ailleurs le mauvais rôle que jouait Jean Bayol de connivence avec Toffa 1er du royaume de Porto-Novo. Il se disait d’ailleurs outré du rôle que jouait la France dans les conflits entre ce dernier et lui en protégeant le roi Toffa et ses terres. Pour lui, les Français ne devaient pas s’ingérer dans les problèmes des Africains et encore moins chercher à occuper leurs terres.

« Ce n’est pas à la France que nous faisons la guerre, c’est au Roi de Porto-Novo. »,

« Quant à Cotonou, Jamais nous l’avons donné et nous ne céderons. ».

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Dans sa lettre du 18 Août 1890, Béhanzin qualifie d’affront et de menace pour sa souveraineté l’intervention des Français sur les territoires de l’Ouémé et de Ouidah annexés par le Danxomé. Son vœu était que les Noirs et les Blancs habitent chacun sur leurs terres et que l’amitié entre le peuple français et celui du Danxomé repose sur de bonnes relations et le commerce. Il réclama que les intervenants comme Jean Bayol qui sèmaient la zizanie soient bannis ; et surtout que les Français et le Roi signent un contrat de non-belligérance avec le Danxomé. Quiconque essayerait d’offenser le roi serait sévèrement puni, prévint Béhanzin.

Béhanzin était prêt et n’avait pas peur de faire la guerre à la France

Les conflits territoriaux n’en finissaient pas entre Béhanzin et la France. Dans sa lettre à M. Ballot le 29 Mars 1892,  Béhanzin assuma les actes de guerre entre le royaume de Porto-Novo et le Danxomé. Il se trouvait en droit de punir toute nation africaine qui ose menacer sa souveraineté. Il se disait étonné de la missive de mise en garde que lui avaient envoyé les Français. C’était décidé, il ne baisserait pas les bras.

Le roi fit comprendre à France qu’il ne lui avait jamais fait la guerre car elle n’était pas un territoire africain mais qu’il était prêt à répondre à n’importe quelle attaque. « Si vous n’êtes pas contents de ce que je vous dis, vous n’avez qu’à faire ce que vous voudrez, quant à moi je suis prêt. Vous pouvez venir avec vos troupes ou bien descendre pour me faire une guerre acharnée. ». Le gouvernement Français prit le roi au mot et sous décision de la chambre Française déclara la guerre au Dahomey.

Béhanzin avait décidé d’affronter la France et il avait l’effectif pour.  « La première fois, je ne savais pas faire la guerre, maintenant je sais. Si vous commencez la guerre, j’ai des troupes prêtes pour cela. J’ai tant d’hommes qu’on dirait des Vers qui sortent des trous. Je suis le Roi des Noirs et les Blancs n’ont rien à voir à ce que je fais. » écrit-il. Le roi mit sur pied un service de renseignement sophistiqué afin d’avoir une longueur d’avance sur les intentions de ses adversaires.

Le Roi Gbèhanzin avait un service d’information, d’espionnage, de communication très développé qui lui permettait d’être au courant à tout moment de toutes les affaires de son Etat et de sa nation. Professeur Joseph Adrien Djivo.

Un combat, 14 mois de résistance, un palais brûlé et des trésors pillés

Béhanzin reçut des lettres du commandant Dodds affirmant que ses ancêtres auraient signé des traités octroyant à la France certains territoires annexés par le Danxomé. Il ne le concevait et ne l’acceptait pas. La France défendit au Roi de circuler sur les routes et les Lagunes de l’Ouémé. C’est la stratégie par laquelle elle comptait ébranler la puissance militaire de Béhanzin qui empruntait le fleuve Ouémé pour aller en guerre.

Le Danxomé était ainsi surveillé. Le drapeau Français fut planté à Agbome[2] après 14 mois de résistance. Ce fut la chute du royaume de Danxomé et de son illustre roi, Béhanzin, qui fut déporté en Martinique.

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L’exil…

Porto-Novo, le 3 décembre 1892

Au nom de la République française, Nous, Général de brigade commandant supérieur des Etablissements français, commandeur de la Légion d’Honneur. En vertu des pouvoirs qui nous ont été conférés,

Déclarons :
Le Roi Béhanzin Ahy – Djéré est déchu du trône du Dahomey et banni à
jamais de ce pays. Le royaume du Dahomey est et demeure placé sous le protectorat exclusif de la France…[…]
DODDS

Si pendant sa résistance, nous avons pu apprécier l’amour du roi Béhanzin pour la terre de ses ancêtres, c’est pendant son exil qu’il se fit le plus ressentir. Vivant mal le fait d’être éloigné de l’Afrique, le roi mis de côté son orgueil et multiplia les missives à « ses amis » français, les implorant de lui accorder la faveur de retourner vivre au Danxomé. Il rappelait sans cesse la grande amitié qu’il avait construit avec les Français avant la guerre. Il soulignait que la guerre est survenue à cause des manipulations de personnes mal intentionnées comme Jean Bayol et Toffa 1er.

Béhanzin était prêt à faire des concessions et à être en faveur de la politique française. Aucune de ses lettres n’a malheureusement été suivie de réponse. Puisque son état de santé se dégradait, il fut envoyé en Algérie et y mourut le 10 Décembre 1906. Sa dépouille fut transférée en Mai 1928 à Djimè (Agbome).

Nous vous encourageons à lire vous-même les correspondances du Roi Béhanzin afin de découvrir les détails de son règne.


Si tu en appris plus sur notre histoire, partage cet article pour édifier tes amis !

[1] Akaba fondateur du Royaume du Danxomé est un ancêtre du Roi Béhanzin

[2] Connu aujourd’hui sous le nom… d’Abomey

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