Marie-Cécile Zinsou, une chasseuse d’art

Elle s’est rêvée boulangère, espion, escroc, danseuse étoile mais elle est devenue « Capitaine d’une flotte de petits bateaux »: La Fondation Zinsou. Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou, petite-fille du plus jeune sénateur de château de Versailles, benjamine du conseil d’administration du Château de Versailles, Béninoise et Talentueuse, on pourrait en dire beaucoup sur elle mais le plus important c’est de parler de ce qu’elle fait, de ce pour quoi j’ai eu le désir de l’interviewer.

Le 06 Juin 2015, j’ai assisté aux 10 ans de la Fondation en compagnie d’artistes, d’œuvres de l’artiste-Bidons Romuald Hazoumé, et de la magie de l’application Wakpon de Pierrick Chabi : Des peintres béninois sur une application béninoise ! J’ai vu le Musée de Ouidah faire le mur: Un choc !

J’ai vu 10 ans de motivation, de travail récompensés un public sans cesse grand et sans cesse ébloui. J’ai vu de l’énergie, et beaucoup de couturiers…

Eh oui, j’ai ressenti le travail qu’abat la Fondation Zinsou comme un travail de couturier. A chaque exposition, par chaque enfant qui ouvre un livre, à chaque évènement culturel, je vois de la fierté et de la dignité qui se cousent.

La Fondation Zinsou est née au Village SOS, d’une volonté familiale, d’une rencontre déterminante, à Sikècodji sous la bannière « Vite et mal », le 06 Juin 2005, avec du  Romuald Hazoumè.


Exposition Le Sondage Fondation Zinsou à Cadjehoun Copyright: La Fondation Zinsou
Exposition Le Sondage Fondation Zinsou à Cadjehoun Copyright: La Fondation Zinsou

 

4.1ère Exposition _Romuald Hazoumè__ Fondation Zinsou
1ère Exposition _Romuald Hazoumè__ Fondation Zinsou Copyright: Fondation Zinsou

Mais… la Fondation Zinsou, c’est ?

La Fondation c’est une envie, une volonté, une démarche, un quotidien, une équipe, une formation, des surprises, des aventures humaines, de la magie. C’est aussi 6 bibliothèques, 24 expositions, 65 employés déclarés, l’espace d’exposition de Cotonou, le Musée de Ouidah, des activités d’urgence vitale, un bus, des Labs, les petits pinceaux, une question familiale, des mécènes locaux, particuliers, étrangers.  C’est beaucoup de choses à la fois.

Un pari difficile ?

Non ! C’était un pari parce que si les Enfants du Village SOS s’intéressent à l’art contemporain, rien ne garantissait que tous les enfants du Bénin s’y intéressent. Mais pas difficile. Cela s’est fait par étapes. Tout le monde a dit que c’était une mauvaise idée mais je n’ai pas douté, ma famille non plus. C’était une intuition au départ, une croyance que ça va marcher.

© Yanick Folly

Vous avez levé le champagne combien de fois ?

Le succès de la Fondation c’est le public. Cliquez pour tweeter C’est le bus qui dépose les enfants, c’est les profs qui nous téléphonent : est-ce que vous pouvez venir nous chercher, on a envie de vous visiter. C’est les 3 navettes du bus tous les jours. C’est les 10 ans de la Fondation. C’est 127 000 personnes l’année dernière dans les bibliothèques. C’est 5 000 000 de personnes qui ont participé aux activités de la Fondation. C’est le Prix Impérial du Japon, une première pour l’Afrique.

Exposition Malick Sidibi Copyright: Fondation Zinsou
Exposition Malick Sidibi
Copyright: Fondation Zinsou

Quels ont été les récifs et les icebergs que vous avez eu à rencontrer durant la croisière ?

Je ne suis pas très bonne à ce genre de questions, j’ai une mémoire assez sélective qui n’est pas très basée sur les choses négatives. Il y a de petits inconvénients, il y a toujours quelqu’un qui dit « cette fondation, ils ont plein d’argent, je vais en profiter », il y a toujours une sorte d’homme politique par-ci par-là qui essaye toujours de vous taxer, qui vous menacent, ou des gens qui pensent que vous fonctionnez sur une espèce de corruption.

Il y a pas de bibliothèque à Ouidah parce qu’il n’y a pas la volonté politique de nous donner un bâtiment, même des ruines on prend. Les gros écueils c’est quand vous n’êtes pas entièrement indépendant. Ou même quand vous l’êtes. Par exemple quand nous avons construit le loft de Bruce Clarke à Ouidah avec tous les papiers, le ministre de la culture contre toutes les lois de ce pays a envoyé un Bulldozer casser cela.

Je ne peux pas vous raconter tout car ça n’a pas d’intérêt. Les récifs, on les contourne, on fait avec. L’avantage c’est qu’on les voit. Cliquez pour tweeter Il faut juste savoir naviguer, ne pas perdre le cap, ne pas s’adosser aux récifs. Il y a toujours un gros malin qui veut jouer au plus Béninois, qui fait des réflexions sur ma taille, ma couleur. Mais tout ça ne veut rien dire !

L’Etat vous porte-t-il dans son cœur ?

La fondation est apolitique. Il y a des ministres qui nous ont aidés à faire beaucoup de choses. C’est plus une question d’engagement personnel que politique. Le gouvernement on a très peu de relations avec eux. La culture n’est pas une priorité, les gens ont faim disent-ils. Mais la culture c’est notre identité. Elle est absolument essentielle. Cliquez pour tweeter

Qu’en est-il du peuple béninois ?

C’est la raison d’être de la fondation. La lecture du livre d’or, les tweets de tous les jeunes qui viennent, la population qui vient visiter, les parents qui envoient les enfants, les enfants qui viennent tous seuls. Les gens savent profondément pourquoi on travaille. Le but de la fondation c’est de travailler sur l’idée de la culture comme droit et non comme un luxe. Avoir la liberté de connaître. On est dans le bon dialogue avec le public.

Espace d'exposition de Cotonou Copyright: La Fondation Zinsou
Espace d’exposition de Cotonou
Copyright: La Fondation Zinsou

La flotte carbure à quoi ?

Surtout au mécénat. Mais aussi aux recettes de la boutique, au café de la Fondation qui nous donne un petit pourcentage.

Vos longues-vues vous disent quoi ?

Elles disent que l’objectif n’est jamais atteint. Quand on créé un projet, ce qui est difficile ce n’est pas la création mais le quotidien. Cliquez pour tweeter Ce qui est difficile c’est d’ouvrir tous les jours les bibliothèques à la même heure. Ce qui est compliqué c’est le quotidien. C’est comment est-ce que les murs sont toujours blancs, les sols toujours propres, les livres ne s’abîment pas, comment est-ce qu’on les remplace.

Est-ce que les gens vont penser à télécharger Wakpon pour voir le musée de Ouidah, n’importe où ? C’est ça que me dit ma longue vue. Qu’il faut maintenir le cap, tenir et regarder en direction de l’avenir, faire attention aux récifs et on voit ce qui reste à faire. 10 ans c’est un bon travail. Ça prouve que ce n’est pas l’attrait de la nouveauté.

Exposition Avec Bruce Clarke Copyright: La Fondation Zinsou
Exposition Avec Bruce Clarke
Copyright: La Fondation Zinsou

Un SOS à lancer ?

Si. Un SOS qui est : Le patrimoine de notre pays. Notre histoire, elle est où ? Elle est dans les réserves de nos musées ? J’ai une mauvaise nouvelle. Au musée d’Abomey, les réserves sont dans l’eau, ou en flamme! Les Archives de Porto-Novo sont dans quel état ? Le patrimoine architectural  de Porto-Novo ? L’Hôtel PLM Aledjo est en ruine ! Quand on a des urgences, comme recevoir son salaire, comment soigner les enfants, comment faire des routes, on n’est pas dans les questions de restauration du patrimoine. Mais en attendant, comme personne ne dit rien et que l’Etat ne fait pas son travail,  notre patrimoine va disparaître. Comment fera-t-on dans 30 ans pour vivre sans trace de notre histoire ? Cliquez pour tweeter

Le SOS que j’ai envie de lancer, c’est un SOS Patrimoine ! Il faut s’en occuper maintenant. C’est notre génération à nous qui doit s’en occuper, réfléchir à ça, conserver et faire attention. La question c’est vos enfants à vous ? Qu’est-ce que vous allez leur dire ? Qu’est-ce que vous allez leur raconter comme histoire si vous n’avez aucune trace d’elle ? On risque de tout perdre. Je fais des remarques autour de moi, je pose des questions.

Béhanzin on connaît encore, mais Akaba par exemple ? Ça ne vous dit rien ? Comment allez-vous raconter à vos enfants d’où vous venez si vous ne le savez pas ? On n’est pas loin de perdre notre histoire. Les jeunes doivent en être conscients. C’est vrai qu’on a les technologies, les nouveaux produits de culture qui viennent d’ailleurs. Un jour, on va regarder derrière, on ne saura plus d’où nous venons, on ne saura plus qui on est. Cliquez pour tweeter

Mini-Bibliothèque Jean Pliya Copyright: Fondation Zinsou
Mini-Bibliothèque Jean Pliya
Copyright: Fondation Zinsou

Des fleurs à envoyer ?

A vous, a toute cette génération d’adolescents, de jeunes adultes sur Twitter, qui fait attention ! A vos lecteurs, a cette génération qui n’est pas juste dans la consommation des technologies, qui est capable de s’intéresser à tout. Je trouve ça très rassurant. Cette génération de moins de 25 qui a toutes les conditions favorables, qui fait les bonnes choses.  Non, ce n’était pas mieux avant. Il y a beaucoup de choses qui s’améliorent

Des tomates à lancer ?

Les tomates c’est pour ces gens qui voient comme seule perspective au Bénin le sous-développement. Il y a mon père qui a l’habitude de dire un truc tout bête. C’est quoi la différence entre le sous-développement et le développement ? Le développement vous faites les choses, le sous-développement vous ne faites pas les choses. On n'est pas un pays ridicule, il n’existe pas de fatalité de sous-développement. Cliquez pour tweeter

Des tomates pour ceux qui pensent qu’à leurs intérêts propres, qui montent des structures pour voler le peu d’argent des gens, pour ceux qui n’on que le sous-développement pour ambition pour le pays. C’est purement une question de volonté, de réflexion. On a un background culturel énorme, un background éducationnel qu’on peut tout à fait sauver. A un moment, les gens qui nous gouvernent c’est des gens qui veulent nous laisser dans cette situation ou l’empirer. Ces gens-là méritent des tomates.


Cette interview a déclenché une alarme en moi. En effet, que dirais-je à la génération qui vient, sur cette patrie que je prétends aimer si tant? Quelles histoires de guerriers valeureux, de rois courageux, quels vestiges leur montrerai-je? Leur donnerai-je autant de plaisir que mon père m’en a donné quand il me contait le Bénin d’hier? Les ferai-je frémir de volonté autant que ma grand-mère m’a fait frémir en me racontant l’histoire de mes ancêtres? Quelles seront les racines du monde futur? Quel patrimoine laisserons-nous à nos enfants?

Accrochés à la nouvelle tablette, à la nouvelle people, mais sans aucun passé? Et si personne n’y faisait rien? Le Bénin, en tant qu’histoire déambule dans nos oubliettes, nos prétendues urgences, nos priorités… à quoi sert un pays de riches sans histoire? Dites moi chers lecteurs, Et si la Fondation Zinsou n’existait pas?

1ère Exposition Romuald Hazoumè Copyright: La Fondation Zinsou
1ère Exposition Romuald Hazoumè
Copyright: La Fondation Zinsou

 


Pour en savoir plus:
www.fondationzinsou.org

www.fondationzinsou.blogspot.com

Fondation Zinsou, Adresse : Rue 400, Cotonou, Bénin

Téléphone :+229 21 30 99 25

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