L’Amazone derrière Nanawax: l’autre histoire de Maureen Ayité

Maureen Ayité est un personnage complexe. C’est résolument une femme, une entrepreneuse qui vend du rêve. C’est un coup de coeur que je ne saurais plus dissimuler. Elle m’inspire de la rage, de la rigueur, de la décision et la fierté. C’est une wonderwoman. Elle a réussi à créer une success story propre à elle dans un environnement pourtant rocailleux, semé d’embûches les plus insolites les unes que les autres. Et pourtant. Sa résilience et son talent la propulsent chaque jour vers des cimes insoupçonnées. Sa marque de prêt-à-porter, elle se voit en faire le Zara Africain. Peut-être ne s’en doute t-elle pas, mais Nanawax a le potentiel d’une marque mondiale. C’est déjà une religion et un mode de vie pour ainsi dire. C’est un label et une étiquette que toutes les femmes veulent porter.

Maureen Ayité est une femme résiliente. Elle vous vend du rêve pendant qu’elle vit des cauchemars quotidiens. J’ai voulu vous capturer son âme, écrire ce qu’elle est profondément, au-delà de l’image, de la hype et des critiques. Qui est-elle ? Comment vit-elle son travail? Comment s’en sort-elle ? Combien de combats mène t-elle par jour ? Que regrette t-elle ? Se sent-elle épanouie ? Comment en arrive-t-on à être Maureen Ayité, impératrice et future reine des femmes ? Quelle est son histoire hors caméra ?  Impératrice le jour et amazone, à chaque minute. Comment survit-on à la jungle de la mode ? Qui es-tu Maureen Ayité ?


Le pagne a une signification pour toi qu’il n’a pour personne d’autre. Tu es née du pagne. 

Maureen Ayité Irawo

Ma grand-mère était revendeuse de pagne. Elle a commencé depuis qu’elle avait 15 ans. C’est ce qu’il lui a permis d’avoir des biens, de vivre de cela et de nourrir sa famille. Oui, on peut dire que je suis née du pagne. Mais j’étais comme toutes les autres petites filles. Je pleurais quand on voulait m’habiller en pagne pour sortir. Je ne voulais pas m’habiller comme une « villageoise ». Adolescente, j’ai commencé à récupérer les chutes de pagnes de ma grand-mère pour me faire de petites pochettes, de petites boucles d’oreilles. En première et terminale, je cherchais tous les tissus bordeaux et beige à assortir à mon uniforme par de petits trucs. Les amies me demandaient où elles pouvaient acheter. Je leur répondais que je le faisais juste pour moi, juste comme ça. En 2008, arrivée à Paris, j’étais un peu déprimée. J’ai décidé de créer un groupe Facebook pour y mettre mes trucs de pagne, partager des créations que je trouvais extraordinaires. Je postais en anonyme mes propres tenues sans ma tête. Je ne voulais pas qu’on sache qui j’étais. De toutes manières, je n’avais pas les moyens de me payer un photographe. J’utilisais le retardateur pour prendre les photos. Je faisais les photos de face, de profil et de dos pour permettre aux gens de reproduire chez leurs tailleurs. Je ne comptais pas du tout vendre.

Mais, tu as quand même tout laissé tomber pour créer Nanawax. Entrepreneuse par la force des choses ? 

Moi, j’étudiais la langue des sourds. Rien à voir avec le design. C’est la demande qui m’a fait créer Nanawax. Cliquez pour tweeter Plein de gens me demandaient de leur reproduire un modèle. Je le faisais sans prendre de l’argent. Au fur et à mesure du temps, tout le monde voulait savoir où il pouvait acheter ci ou ça. Je leur donnais des liens quand il s’agissait de modèles d’autres créateurs. Mais ils voulaient ce que moi je faisais. Durant un été, je suis rentrée chez ma grand-mère avec les 1500€ de ma bourse d’étude. Le voyage ayant coûté 1000€, il ne me restait que 500€ avec lesquels j’ai débuté mon business. J’ai pris les « 1 mètre » de tissus de ma grand-mère que j’ai amené chez des tailleurs. Parce que je ne sais pas coudre. J’ai fait les accessoires et eux les modèles. J’ai mis un tout petit message sur Facebook: « Venez acheter. J’organise une petite vente privée chez une amie. ». Je voulais juste un peu d’argent de poche pour aller en Bulgarie faire mon stage à l’école des sourds. Je n’avais aucune ambition d’ouvrir une boutique ou de créer une marque. Quand le jour de la vente privée, dans un appartement de 18m2, il y a eu près de deux cent personnes pour une vingtaine de bracelets, je me suis dis qu’il y avait là un véritable besoin. Je m’attendais à voir à peine dix personnes ! Je ne savais pas que les gens suivaient autant ma page. J’ai appelé l’école des sourds et je leur ai dit: « On va repousser le stage de trois mois le temps que je me fasse un peu plus d’argent ». Sauf que j’ai continué de ventes privées en ventes privées. Je n’ai plus jamais fait le stage.

Maureen Ayité Irawo

Je suis rentrée à Cotonou. J’utilisais l’arrière-boutique de ma mère pour faire mes customisations. Il n’y a pas de Licra ici. Les matières sont soit trop chères ici ou indisponibles. Donc, je ne réalisais pas encore de vêtements. J’en achetais des tout-fait à Paris que je customisais avec du pagne. Cela me revenait également cher: certaines tailles ou modèles pouvaient être absentes. Au debut, je me débrouillais avec parce que je ne comptais pas en faire un business. Je voulais faire cela pour un moment. Mais cela marchait tellement bien que j’ai laissé tomber la LSF. J’ai décidé de trouver mes propres matériaux. J’ai voyagé dans de nombreux pays pour me fournir. Je n’ai jamais cru qu’un jour, je pourrai me faire plus de cinquante millions en moins de quatre heures.

C’est l’histoire de ta vie, les ventes privées qui deviennent très publiques. 

Depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui. Il y a des personnes qui viennent de si loin pour les ventes; de Belgique, de Libreville, d’Hollande, d’Angleterre juste pour acheter et repartir le soir même. Il faisait froid, il pleuvait. Mais mes clientes étaient là. Je n’arrivais pas à croire qu’un jour je pouvais attirer des gens qui vont faire cela pour acheter mes produits. Même moi, je serais incapable de faire la queue pour payer des vêtements. C’est une grâce de Dieu parce que je ne sais pas comment j’ai fait. Il y a beaucoup d’événements de pagne avec trente, quarante créateurs qui pourtant n’arrivent pas à mobiliser autant de monde. Je ne m’en vante pas. Aujourd’hui, certains m’invitent juste pour avoir du monde. Mais tout ça ne s’est pas fait d’un coup non plus.

Vente privée Nanawax à Abidjan . © Nanawax

Cela me rappelle une expérience que j’avais eue. Au début, après ma toute première vente privée chez mon amie, je prenais des stands dans des marchés. Je vendais dans des halls avec ma petite table. Ce n’était pas encore le grand Nanawax.  J’avais demandé un stand à une fille qui organisait des ventes privées à Paris. Elle m’avait répondu non, que je n’étais pas assez connue. J’ai dit ok, pas de souci. Aujourd’hui, elle me cherche avec torche à midi. Elle ne me trouvera plus. Je donne toujours la chance aux gens. Si tu trouves que tu es déjà trop connu pour associer quelqu’un d’inconnu à ton truc, tant mieux. Mais quand demain, la personne y arrive et te dépasse, il ne faut pas t’en offusquer. Autant je suis gentille autant je suis motivée à prendre ma revanche sur ceux qui me narguent et à les dépasser. Je suis très dure dans ce que je fais. Et quand je le fais, j’ai envie d’être la meilleure, le numéro 1.

Quelle est ta différence avec la concurrence ? 

Pourquoi j’ai pris la LSF? Parce que j’étais douée dans la langue des signes et j’aimais faire cela. Je ne voulais pas aller faire des études de management ou de commerce où je vais vivre la galère. Quand je maîtrise quelque chose, je le fais. C’est pour cela que la page ‘’J’aime le pagne de chez moi’’ n’était pas à but commercial. J’ai fait ça pendant 4 ans avant de commencer à vendre un seul produit.

C’est ça la différence entre les autres et moi : la passion. Je n’ai pas choisi le pagne parce que ça marchait bien. Quand tu fais un truc juste pour de l’argent, ça se voit, ça se sait. Je pense que c’est la raison pour laquelle beaucoup préfèrent venir vers moi. Mais c’est aussi le produit. Il y a deux ans, une fille avait acheté un sac Nanawax à l’époque où je n’avais pas encore les étiquettes. Elle est revenue à Cotonou juste pour avoir le logo Nanawax. Les clients viennent aussi pour le fait de dire: « Ceci est Nanawax. Je porte du Nanawax ».

Quelle est ta plus grande fierté avec Nanawax? 

Un jour, une dame est venue payer un sac Nanawax à la boutique. Elle avait un sac Fendi. Elle a transvasé le contenu du Fendi dans le Nanawax. J’étais trop heureuse de voir ça. C’est une de mes plus grandes fiertés.

Le dosage Nanawax n’est-il pas de trop? 

Oui, j’ai remarqué que certains viennent juste pour me voir, faire une photo et pas pour payer. Pour eux, je suis une star et ils veulent discuter avec moi. Mais je manque de temps. J’ai une queue de centaines de personnes à gérer, je dois gérer la caisse ou conseiller des clientes. Je ne peux pas me permettre de discuter. Les gens ne comprennent pas que pendant les ventes, je suis là pour un but: travailler et vendre. Il y a des journalistes ou blogueuses qui viennent durant les ventes pour des interviews! C’est comme demander à un artiste en concert une interview. Comment peut-il te l’accorder quand il est sur la scène ? Alors, quand je dis non, les mêmes iront sur leurs blogs pour m’insulter. C’est pour cela que j’essaye de moins m’impliquer dans les ventes ou de recevoir tout le monde à la boutique. Je préfère laisser des personnes de confiance faire. Les clientes sont déçues et demandent où je suis. Elles pensent que je les ai snobées. C’est très compliqué.

Alors la marque Nanawax aurait bien pu s’appeler Maureen Ayité? 

Non, si c’était Maureen Ayité qui en faisait l’aura j’aurais été célèbre depuis ma naissance. Non, c’est parce que je fais Nanawax qu’aujourd’hui on connait Maureen Ayité. Les gens ne veulent pas faire des photos avec moi parce que je suis Maureen Ayité. Par exemple, quand je suis habillée sans wax, les gens ne me reconnaissent pas tout de suite. C’est quand ils reconnaissent le pagne, qu’ils me reconnaissent. Je ne suis personne.

Peut-on dire que les réseaux sociaux ont fait Nanawax ? 

Sans Mark Zuckerberg, je ne serais pas là aujourd’hui. Tout a commencé sur Facebook. Twitter n’était qu’un fait divers pour moi. Je ne connaissais que Facebook et je trouvais Instagram tellement débile. Un jour, j’ai décidé d’y poster deux photos et c’était parti.  Aujourd’hui, j’ai plus d’impact et de clients par Instagram que par Facebook. Je n’aurais jamais cru qu’un jour des célébrités m’écriraient par snapchat, instagram ou Facebook. J’ai connu Snapchat, il y a à peine un an. C’est même grâce à Snapchat que j’ai connu Youssoupha, un de mes rappeurs préférés.

Mawunu Feliho, directeur artistique de IrawoTv en maillot de bain Nanawax
Mawunu Feliho, directeur artistique de IrawoTv en maillot de bain Nanawax

Je ne cours pas après les célébrités. Je ne les supplie pas de porter mes vêtements. Ils viennent acheter chez moi de leur plein gré. Et quand des gens qui peuvent se payer des Channel, des Dior viennent vers moi et trouvent que c’est bien fini, c’est que je fais du bon boulot au-delà des critiques.

Tu as néanmoins dit lors des journées du Textile au Bénin que tu préférerais offrir tes vêtements à Rihanna plutôt qu’à un lambda. 

Oui. Il y a des blogueurs ou des pseudos-stars qui vous écrivent: « S’il vous plait, donnez-moi des vêtements, je vous ferai de la pub. Je suis connu. ». Mais même moi, je ne te connais pas. Je parle pour ma marque. Je ne vois pas pourquoi je vais prendre un vêtement que j’ai fabriqué, sur lequel j’ai dépensé pour le donner à quelqu’un qui n’a aucun impact. Au final qui est gagnant ? Lui, il gagne un vêtement neuf. Il fera quelques photos et puis c’est tout. Moi, je perds du temps et un vêtement. Quand Angélique Kidjo paye et porte du Nanawax, il y a un impact. Je préfère donner un vêtement à Rihanna parce qu’elle a un impact. Si elle like, c’est fini, je vais m’envoler. Pas d’intérêt commercial, pas d’action. Je déconseille aux stylistes de donner leurs vêtements ou de faire des défilés qui ne leur rapporte que zéro franc. Combien de clients cela te rapporte ?

Comment as-tu acquis toutes ces habiletés commerciales ? 

Je le dis souvent à mes employés. Tu n’as pas besoin d’aller à l’école pour faire la symétrie ou pour comprendre qu’il faut ranger un vêtement épais en bas et un plus léger en haut. C’est de la logique. Je me demande toujours quel est l’intérêt commercial d’une action. J’ai été invitée à des dizaines de défilés à Paris mais je n’y suis jamais allée. Tous ces gens me trouvent snob. Mais quel est l’impact? Je vais payer mon billet d’avion, payer l’hôtel, faire des tenues et tous les Noirs de Paname vont venir regarder, applaudir et faire des photos. Combien d’entre eux payeront les produits? Qu’est-ce que j’aurai gagné ? Pouvoir dire que j’ai fait des défilés ? Et après ?

Donc chaque action de Nanawax est calculée ? 

C’est ça. Pas d’intérêt, pas d’action. Le seul truc que je fais sans intérêt c’est ce que je fais pour les orphelinats. J’ai commencé ça en 2010, 3 ans avant ma marque.

Nanawax Irawo

A mes débuts avec Nanawax, je ne faisais pas payer les entrées aux ventes privées. Un jour en rigolant avec des amis, je me suis dis : « Tiens, si je faisais payer 1€ ou 2 par personne, j’aurais plus d’argent à donner aux orphelinats. ». C’est ainsi que j’ai pu donner 1000 € à la pouponnière d’Abidjan, récemment. Mais j’évite de mettre ces choses que je fais sur Facebook ou instagram.

Et pourquoi ce souci d’intimité ? 

Je ne trouve pas que je fais quelque chose de ouf. Et je n’en ai pas besoin. Il y a beaucoup de gens qui ne font rien qui prennent toutes les caméras du pays pour faire un seul don. Je ne trouve pas ça bien. Je sais dans mon coeur ce que je fais et pourquoi je le fais.

Pourquoi es-tu sensible à la cause des enfants indigents ? 

Je ne sais pas. J’ai toujours aimé m’occuper des enfants. J’ai fait presque une année de volontariat à l’hôpital des enfants cancéreux du Costa Rica. Je n’étais pas payée. J’ai toujours fait du bénévolat. Aujourd’hui, je n’en ai plus le temps. Donc, si je peux prendre un peu de ce que je gagne pour reverser, cela ne m’enlève rien.

Finalement, ta formation en langue des signes n’a servi à rien.

Non, ça ne me sert à rien. Mais j’embauche très prochainement des sourds que j’ai rencontrés à l’école de Sourds de Porto-Novo. Ils étudient l’artisanat. Ils vont travailler ici à la boutique et je pourrai faire l’interprète entre eux et les tailleurs. Dans la couture, néanmoins, il n’y a pas besoin de beaucoup parler. L’objectif est plus de les intégrer, de leur donner un boulot.

Tu as connu beaucoup de badbuzz pour une marque aussi jeune. Le premier, c’était le #DialloGate où les Twittos ont estimé tes produits trop chers alors qu’on pouvait en acquérir d’aussi bonne qualité aux puces.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup de personnes s’expriment sans être jamais venues dans la boutique, sans jamais avoir acheté un seul produit Nanawax ou même sans avoir eu affaire à moi.

Nanawax

Le client est roi. Le commerçant n’est pas non plus un esclave. Mes photos sont sur internet et libres d’accès. Tout le monde peut reproduire mes modèles. A la base, J’aime le pagne de chez moi était fait pour ça. Mais tu ne peux pas venir dans ma boutique me dire: « Ah, mais c’est cher. Mon tailleur peut faire autant. ». Mais casse-toi, va chez ton tailleur ! Et je répondrai ça jusqu’à la fin même si je dois fermer boutique pour cela. Ce sont des choses qui m’énervent. Ce n’est pas respectueux.  L’article le plus cher de ma boutique coûte 80 000F. L’article le plus cher que j’ai eu à faire coûtait 100 000 F et c’était une pièce unique.

Ne souffres-tu pas de ton franc-parler? 

Je suis une grande gueule, me dit-on. Quand j’ai tort, je sais m’excuser. Je peux même me coucher par terre pour demander pardon. Par exemple, il y a des sacs Bassam payés à Paris qui étaient défectueux. J’ai présenté mes excuses et échangé ou remboursé. Les fois où je réponds c’est lorsqu’on dégrade mon travail pour de faux faits. Critiques constructives, d’accord mais pas insulter le travail d’autrui. On me reproche ma rigueur. C’est parce que je suis dure dans mon travail que je m’en sors chaque jour. Cliquez pour tweeter

Comment t’es-tu sentie face au récent #NanawaxGate ? 

J’ai été beaucoup appelée. Ma famille, mes amis. « Maureen, est-ce que ça va ? », mais j’allais très bien. Les « Gates » m’ont apporté plus d’abonnés en un jour qu’en un an sur Twitter. Il y a toujours un mal pour un bien. Les clients qui viennent chez moi connaissent la qualité de Nanawax. Celle par qui ce gate a été provoqué s’est mariée en Nanawax. Si mes produits étaient tellement nuls, pourquoi jonchent-ils son profil ? Dans les ventes, c’est toujours les mêmes qui reviennent avec toujours plus de clientes. Si mes produits étaient mauvais, elles ne le feraient pas. Tant que tu ne me connais pas, que tu n’as jamais pris un produit Nanawax, tu ne connais pas ma personnalité, tu peux dire que Nanawax c’est de la merde, je m’en fiche. Ils ont tout dit: pute, salope. Mais je n’ai pas fermé boutique pour ça.

N’est-ce pas aussi la faute au nombre impressionnant de clients à tes ventes ? 

Même récemment pour la vente privée de Paris, je n’espérais que 500 personnes. Mais, au final les 500 tickets ont été épuisés. Il y avait près de 900 personnes. Et 700 qui ont pu entrer. Il y a des gens qui viennent pour ne pas acheter. Celle qui veut vraiment payer vient avec ses copines qui empêchent d’autres clients d’entrer. Il y en a qui se sont battus. Certains prennent plus de 10 habits à essayer alors qu’ils ne comptent en payer qu’un, bloquant ainsi les autres clientes. On retrouve des habits dans les toilettes, jetés dans des fauteuils ou par terre. Tu ne peux même pas le leur notifier de peur d’être taxée de méchante, d’impolie ou d’arrogante.  Imaginez si les gens se comportaient un petit peu bien… Le plus irritant c’est que les clients satisfaits ne s’expriment pas. Mais un client insatisfait parle pour 1000 personnes.

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Mais ce n’est pas que ça. Il y a des clients qui voient des photos datant d’un an ou de deux ans qu’ils réclament aujourd’hui. Ils ne lisent pas les produits présents à telle ou telle vente. Même chez Zara, les modèles changent tous les trois mois. Les gens ne comprennent pas aussi que je fais du prêt-à-porter. Je ne suis pas une couturière. Ils se disent que tant que c’est du pagne tu peux reproduire. Quand ils vont à Mango à côté, peuvent-ils demander à ce qu’on leur fasse des modèles ?

Tu es née en France, tu as grandi en Côte d’Ivoire et au Bénin. A quel pays t’identifies-tu ? 

De nationalité Béninoise mais je ne m’identifiais pas aux Béninois jusqu’à récemment. Je trouve honnêtement qu’au Bénin, les gens sont méchants et aigris. Dès que tu fais un truc, ils ne vont jamais y voir quelque chose de bien. Quand on plébiscite un Béninois dans un media, tu peux compter sur le bout des doigts le nombre de Béninois qui vont partager l’article. Dès qu’il s’agit d’une mauvaise chose, même ceux qui ne te connaissent pas en parleront et partageront. En Côte d’Ivoire, les gens sont plus gentils. Ils ne vont pas dénigrer ton travail. C’est pour cela que les stylistes ivoiriens sont en avance sur nous. Pourtant, nous avons de grands stylistes ici au Bénin comme Pepita D. Mais combien vont payer chez elle? Ils se disent : « Oh, ce n’est que du pagne. C’est ceci. Je préfère aller à Paris acheter ». L’Ivoirien soutient l’artiste, le chanteur et le styliste. Quand il en voit un dans la rue, il courra tout joyeux faire une photo avec lui. Dans ce pays, on m’a insultée parce que j’avais fait des photos avec Blaaz ou Fanicko dans la rue. Mais qu’ont-ils de moins que moi ?

Les Béninois ont donc manqué de te soutenir dans ton entreprise ?

Cela n’a jamais été le cas. C’est aujourd’hui que tout le monde semble se rappeler de ma nationalité béninoise. J’essaye toujours de promouvoir le Bénin positivement sur les réseaux sociaux mais la réalité du Bénin, vivre ici est souvent toute autre. Combien de Béninois payent du Nanawax? Mais je ne m’en plains pas parce que je ne suis pas la seule à le vivre. Même Angelique Kidjo vit cela. On se vante souvent de sa nationalité béninoise. Mais combien de Béninois ont un CD original d’Angélique Kidjo ? Cliquez pour tweeter

Les gens ne sont pas contents de ce que tu es qu’ils soient tes employés ou pas. Beaucoup de personnes se plaignent de voir ma tête dans les journaux. Pourquoi c’est toujours Nanawax ? Mais je ne leur demande rien aux journalistes, ils viennent vers moi de leur plein gré. Des fois, je n’en sais rien. Un jour, des journalistes sont venus à un événement de stylistes au Bénin et ont demandé pourquoi je n’y étais pas. Les gens leur ont répondu qu’ils ne me connaissaient pas. Les journalistes ont cherché, sur nana-wax.org l’adresse de la boutique. Ils l’ont montrée à des Zemidjans à travers la ville, juste pour quelques minutes d’interview. Si une célébrité porte du Nanawax aujourd’hui, demain tu verras plein d’autres créateurs béninois se mettre à les taguer sur leurs publications. Si j’envoie une photo à Visiter l’Afrique, demain cette page se retrouve taguée dans les publications de plusieurs créateurs béninois. Mais vous n’êtes pas obligés de me copier !

Quand des créatrices de mode organisent des événements, elles évitent de m’inviter : « Oh, elle est déjà partout. Elle va prendre tous nos clients ». C’est une mentalité un peu débile. A toutes mes ventes privées, j’essaye d’inviter d’autres créateurs ou d’aider d’autres du mieux que je peux. J’aurais voulu, quand j’ai débuté Nanawax, que quelqu’un qui soit plus haut que moi me donne ces opportunités.

Personne ne t’a donc soutenue ?

Personne. Même ma mère pensait que mon business était éphémère ou juste un job de vacance. Elle me disait toujours: «  Ah et ton truc d’internet-là? ». Elle me disait que je gaspillais mon temps sur internet à poster des choses. La première fois où elle est venue avec moi à une vente, c’était il y a un an et demi. Elle n’en revenait pas. Elle m’a dit : « Ah, ma petite Maureen, tu as percé ». Cliquez pour tweeter

Quand on t’écoute, quand on te voit, on a l’impression que tout est facile. Mais tu as l’air d’avoir connu beaucoup de coups bas.

J’ai vendu les draps d’une créatrice pendant deux ans dans ma boutique sans prendre un pourcentage. Il a juste fallu qu’elle commence à copier mes affaires pour que j’arrête. Une autre fois, c’était des peluches qu’elle m’a demandé de lui vendre. Elle n’avait pas encore d’étiquette. Je les lui ai vendues jusqu’à ce que la clientèle veuille en faire des assortiments avec les tenues Nana-Wax. Je lui ai donc remis mes tissus et nous nous arrangions pour les vendre chacune avec son intérêt. Je publiais les photos des peluches sur la page Facebook. Les gens étaient sous le charme des peluches. Un jour, j’ai reçu une grande commande que je lui ai communiquée mais elle m’a tournée en bourrique: « Non, je n’ai pas eu le temps. Je le ferai tel ou tel jour. ». Finalement, elle m’annonce à la dernière minute qu’elle ne pouvait pas livrer. Je me rends compte après sur ses réseaux qu’elle a fait plein de peluches qu’elle a posté histoire de dire ce n’est pas Nanawax qui les produit. La dernière livraison qu’elle m’a faite, elle y a apposé des étiquettes portant ses nom et numéro de téléphone. Je les ai retirés parce que notre contrat ne l’a jamais stipulé et que ce n’était plus un dépôt-vente. Même si cela la dérangeait que mon nom soit mis en avant, il y avait des manières de procéder. Je le lui ai fait remarquer. Aujourd’hui, elle est censée être mon ennemie publique.

J’ai plein d’artisans qui m’ont également fait ces petits coups bas. Ils ont le savoir-faire mais dès que tu leur montres comment utiliser un tissu, ils font leur business sur ton dos. Ils utilisent l’autre moitié de mes matériaux, de mes tissus pour les revendre plus chers. Mais ça c’est des gens dehors. Quand ce sont tes proches, ça fait plus mal.

Nanawax Irawo

Autour de moi : ma meilleure amie. Aujourd’hui, on dit que Nanawax la copie, ça me fait rigoler. Elle a été ma meilleure amie pendant des années. On a fait les 400 cent coups ensemble. A Paris, je passais la nuit chez elle lors de mes ventes. Au début, je faisais des maillots customisés en pagne. Je voulais trouver des fournisseurs pour imprimer le Wax. Elle m’a aidée à trouver une adresse. Elle étudiait le marketing et avait tout pour débuter une bonne carrière. Elle n’avait rien à avoir avec le pagne. Elle est passée derrière moi reproduire les maillots et créer sa marque. J’ai commencé à vendre des maillots de bain en Licra bien avant elle. Mais face aux accusations de plagiat, suis-je supposée m’étaler sur les réseaux sociaux pour rétablir la vérité ? Ceux qui savent, savent. Le reste, tant pis.

Une tante pendant son séjour chez moi a pris tous les numéros de mes fournisseurs en moins d’un mois pour reproduire exactement mes produits avec les mêmes tissus. Quelqu’un m’a un jour taguée pour me signaler une page Facebook qui publiait mes articles placés. Par curiosité, j’appelle le numéro sur la page pour voir qui c’est. Je tombe sur ma tante. Des personnes qui géraient ma page Facebook ont pris des commandes de milliers d’euros en mon nom mais pour livrer leur propres produits créant ainsi des problèmes avec les clients.

Une fois, je suis venue à la boutique pour voir à la devanture un coq égorgé avec son sang répandu sur le sol.

Je peux vous donner des milliers d’exemple de ces trahisons ou coups bas. Je n’arrive plus à déléguer facilement quoi que ce soit. J’ai eu des expériences pour la plupart négatives. Comment voulez-vous que j’ai confiance après ça ? Mais bon, quand tu fais du bien dans la vie, tu n’as pas à t’inquiéter du reste. Cliquez pour tweeter

Etre femme et jeune t’a t-il créé des ennuis dans tes entreprises ?

Je n’ai eu aucun blocage dû à mon statut de femme parce que je ne suis pas allée dans une banque demander de l’argent pour débuter mon business. Encore moins demander quelque chose à quelqu’un et risquer de me faire bleuir.

Mes employés sont plus âgés que moi mais bien que je leur paye un bon salaire avec des avantages, ils me rappellent tout le temps mon âge: « J’ai des enfants qui ont ton âge. Tu n’as pas à m’apprendre mon boulot. Tu ne vas pas me dire ci ou ça ». Mais je n’en ai rien à foutre. Tu as des enfants qui ont mon âge, mais c’est moi qui te paye. Tu fais ce que je te dis.

Quand on voit ma taille, on se dit qu’elle est trop petite. Mais ce n’est pas parce que je suis petite que je vais me laisser marcher dessus. Il y a des gens qui me disent : «  Oh, je connais ta maman. Je t’ai portée quand tu étais bébé. ». Je réponds « merci tantie de m’avoir portée mais le prix reste inchangé ».

Tu disais, la dernière fois sur Twitter, qu’il n’est pas bien qu’un créateur soit forcément égérie de sa marque. Comment expliques-tu que ça ait marché pour toi? 

Sans me vanter, je trouve que j’ai un corps qui convient à mes tenues. Parce qu’à la base, les modèles, je les fais pour moi avant de le reproduire pour les clients. Tu peux avoir un bon produit et pas le corps adapté pour le mettre en valeur. Une créatrice qui a un gros ventre et qui porte ses CropTop ne les met pas en valeur. Kim Kardashian fait sa propre pub avec ses vêtements parce que son corps les met vraiment en valeur. Il faut donner envie aux clients de payer.

© Nanawax by @mariopanya
© Nanawax by @mariopanya

Que penses-tu de la propriété intellectuelle ?

Je trouve que c’est une bonne chose mais impossible à respecter en Afrique. Pour déposer ma marque, j’ai subi des galères. Il fallait déposer au Cameroun afin de couvrir certains pays d’Afrique. Les procédures administratives étaient ardues, les réponses se donnent en an et la validation vient au bout de 6 mois. Donc 1 an et demi, juste pour une marque. Il est même impossible de déposer des modèles. J’ai décidé de le faire en France mais c’est tellement cher. Un patron, c’est dans les 6 000 à 10 000 €. Si tu investis cette somme et que quelqu’un copie ton modèle. Penses-tu pouvoir recouvrer ton investissement en le poursuivant ? A moins que ce soit une grande marque, tu pourras rentrer dans tes fonds. Mais quand ce sont tes propres frères africains ? Les designers africains ne sont pas prêts. Moi, non plus. Si je dois déposer tous mes modèles, combien vais-je payer ? 100 000 000 € ?

Beaucoup t’accusent de plagiat. L’antillaise, Miriam Maxo te reproche de copier sa peluche DouDou. 

© Nanawax
© Nanawax

Elle dit qu’elle a déposé le patron de sa peluche. Sa marque, elle-même n’est pas déposée, la dernière fois que j’ai vérifié. Sa peluche n’a aucune particularité à part le fait qu’il soit en pagne. Mais le patron de sa peluche est un modèle standard, universel. C’est comme déposer un sac basique rectangulaire. De deux, elle n’a pas créé cette peluche parce qu’il y a des marques qui le faisaient avant elle. Des marques américaines ou anglaises. Le jour où la fille qui vendait des peluches en pagne m’a proposé de les vendre dans ma boutique, je le lui ai mentionné. Elle a déposé une plainte contre moi. Je ne pense pas que ça aboutira. La marque Panafricana fait des baskets en pagne. Je les faisais avant eux mais vais-je les poursuivre ? Ils n’utilisent pas les mêmes tissus que moi, ce ne sont pas les mêmes techniques de vente ni les mêmes marchés. Alibaba a tellement de photos de moi avec mes modèles sur son site mais alors que je n’y vends même pas. Une marque béninoise a utilisé des photos de moi en collier Tribia pour commercialiser ces colliers qu’elle avait plagié créant ainsi la confusion. Si je devais me plaindre de tous ceux qui me copient, je ferais des procès tous les jours. Cliquez pour tweeter

Comment arrives-tu à te ré-inventer à chaque fois ? 

Je suis beaucoup les tapis rouges, les films. La dernière fois, j’ai suivi un film des années 40 où j’ai remarqué un joli modèle qui pourrait bien donner en pagne aussi. J’ai déjà refait un modèle de Rihanna, mon artiste préférée, sur le tapis rouge. Je m’inspire aussi beaucoup de Zara.

© Nanawax

Quand les autres te copient, c’est du plagiat. Mais quand c’est toi, c’est différent? 

Quand tu copies quelqu’un ne le copie pas exactement. Il y a une différence entre copier et s’inspirer. Je mets toujours du mien dans chaque vêtement: le pagne, des poches, des accessoires ou tout autre chose susceptible d’apporter ma créativité. Ce qui me gêne dans le plagiat c’est quand on copie jusqu’à utiliser mes propres tissus pour mes propres modèles. D’autres n’hésitent même pas à utiliser mes photos sans ma tête. Quel que soit le domaine dans lequel tu es, la première personne qui te copiera sera un proche à toi. En plus, beaucoup de créateurs ont leurs produits dans mes boutiques. Je peux bien les copier mais je ne le fais pas. Quand j’ai des coups de coeur de créateurs, je n’hésite pas à partager ou à payer.

Certains pensent que tu contribues à la prostitution du pagne. Un jour, le monde finira par se lasser du pagne, tu ne penses pas ?

Les gens qui pensent que le pagne est une mode ont tort. C’est une mode pour les Occidentaux. C’est la tendance maintenant parce que les stars comme Beyoncé en portent. Mais savez-vous depuis quand les Africains portent du pagne ? Si cela ne s’est pas encore démodé, ce n’est pas aujourd’hui que ça le sera. Le pagne ne va pas se démoder. Ce sont les modèles qui vont se démoder. Cliquez pour tweeter C’est comme dire que le Licra va se démoder. C’est ce qu’on fait du Licra qui se démode. Je ne fais pas que le wax aussi. J’utilise du Bogolan, du Licra.

Je veux être comme Zara
Je veux être comme Zara

Que voudrais-tu qu’on dise de Nanawax dans quelques années ? 

Je veux être comme Zara. Cliquez pour tweeter Quand j’étais étudiante, je ne pouvais pas m’en acheter parce que c’était trop cher pour ma bourse. C’est pour cela je dis souvent que ce qui est cher est relatif. Si je fais un vêtement à 1 000 F CFA, quelqu’un peut le trouver cher aussi. Trouver quelque chose cher dépend de ta poche. Donc, je veux faire des vêtements de bonne qualité accessibles à tout le monde. Mais même ‘’tout le monde’’ c’est relatif. Je veux avoir beaucoup de points de vente en Afrique et dans le monde si Dieu le veut. Je voudrais que les gens connaissent Nanawax comme une marque de prêt-à-porter africain.

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