L’outsider qui a dompté l’impossible, voici l’incroyable histoire de Stévy Wallace

Stévy Wallace, il y a quelques années, personne n’aurait parié sur toi.

Parce que je me cherchais beaucoup. Est-ce que je vivais avant ? Ma vie n’existait pas avant mes 22 ans. Je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie. Je n’étais pas décidé. À suivre une voie, à faire quelque chose de pertinent ou d’utile. J’errais. Ça ne rassurait pas. Je me réveillais, j’allais et je venais. Il n’y avait pas de but précis dans mes journées. Même si j’avais la volonté, je ne croyais pas en moi. Personne ne croyait en moi non plus.

Comment est-ce que tu errais ? 

D’abord, j’ai échoué au Bac. J’avais sali le nom de mon père pour qui c’était un affront. J’allais à l’école parce que les parents aimaient ça et te foutent la paix. Quand mon père me demandait ce que je voulais devenir, je lui disais “Bof, on verra”. Je travaillais. Mais sans plus. J’aimais me sentir libre. Je trainais avec beaucoup de filles, avec un groupe de potes. On jouait aux 7 mousquetaires dans la ville de Porto-Novo, où je vivais. J’avais une amourette dans le quartier et mon père était contre. Tout ça a participé à mon échec.

J’avais été renvoyé de l’école Notre-Dame pour mauvaise conduite, après mon BEPC. Mon père m’a foutu au lycée technique. Il en avait marre. Il m’avait dit de sortir de la maison et je l’avais supplié. Au lycée technique, ils nous ont vendu le rêve d’une formation en construction métallique, où je pourrais apprendre à faire des avions, des stades. J’ai trouvé ça très bien ! Mais, en vrai, c’était juste de la soudure mon frère …(rires)

Je ne savais pas ce que j’allais faire mais je ne me voyais pas soudeur. J’ai passé une superbe année, je me suis fait de bons potes et j’ai cramé mes yeux. On devait payer des lunettes pour se protéger les yeux. J’avais demandé l’argent à mon père et quand il me l’a filé, je l’ai utilisé pour payer un cadeau de St Valentin à ma copine de l’époque. À la séance de TP, le prof a refusé que j’emprunte des lunettes parce que chacun devait avoir les siennes. Ce jour-là, j’ai flambé le chalumeau et depuis, je larmoie et j’ai les yeux rouges de drosophile, comme dit mon ami JR.

Après cette année, j’ai demandé à mon père de me faire confiance. Que j’allais revenir sur le droit chemin et prendre mon CAP. Il m’a dit de signer un engagement, qu’il ne voulait pas payer pour que je fasse encore des bêtises. J’ai signé l’engagement et je suis retourné à l’école normale en Seconde spéciale. J’ai obtenu mon CAP et il a lâché du lest. Et Bam, je me suis encore relâché. Je rentrais tard à la maison. J’attendais que mon père dorme  pour escalader le mur et me balader avec mes potes. Je rentrais à l’aube. J’errais.

Donc, j’ai échoué au Bac. Mon père était déçu. J’ai été au Bac une deuxième fois, et j’ai été major de ma promo.

Et ça a continué après le BAC ?

Après le Bac, j’ai fait à la demande de mon père une formation en maintenance informatique. Ensuite, j’ai encore eu des problèmes de cœur. Je me suis converti par amour, je suis devenu musulman pendant un temps. Je m’appelais Waliou. Mon père m’a vu à la mosquée une fois et il est devenu fou. Il ne comprenait pas le délire. Je l’ai fait parce que j’étais amoureux. Mais ça n’allait pas et j’ai décidé de fuir cette fille et cette ville. Je suis parti à Cotonou. Je n’avais toujours pas de but. J’ai fait un BTS et une licence en marketing et com. Je me réveillais juste par politesse, pour aller au cours. Le soir, je me baladais. Parfois, juste pour me balader. Je ne faisais rien. Je n’avais pas d’argent. Je n’avais rien. Quand ma mère me demandait d’aller prendre le loyer chez les locataires pour faire des courses, je bouffais ça. Je dilapidais. Quand j’y repense, je ne faisais rien de sérieux. Que des bêtises.

Je me réveillais juste par politesse, pour aller au cours. Cliquez pour tweeter

Alors, tu es venu à Cotonou, tu as rencontré Fabrice Cossi et certaines choses ont changé.

J’ai connu Fabrice à un anniversaire, et le feeling est passé. Il m’a dit qu’il faisait un peu de tout. Je lui ai dit : “ Ah bon cool, moi je suis là”, s’il a besoin d’un truc, qu’il me le dise. Mon désir c’était de me rendre utile. Je voulais sentir que je servais à quelque chose, que je n’étais pas juste une tête brûlée. Parce que mon père me regardait de loin, se disait que cet enfant n’a pas d’ambition, il ne me ressemble pas.

Fabrice bossait à Auréole, une agence de communication. J’ai commencé à bosser avec lui. Rapidement, il m’a mis au poste de responsable organisation à la communication d’Auréole après des mois de collaboration. On bossait sur des événements, concerts avec Ardiess, Zeynab, H20, Fool Faya. J’étais avec Merel, Alviral, on travaillait tous en équipe. C’est ainsi que j’ai connu les acteurs du showbiz béninois.

Le premier artiste que j’ai managé c’était Daron. J’ai rencontré K-mal. Et ça commençait à me plaire. Fabrice allait tellement vite. On bossait tout le temps. Il m’a filé des notions en régie d’événement, de spectacle. Je commençais à me faire du réseau. J’étais moins dans les filles. Je m’occupais, je n’errais plus. É marché.

Est-ce en raison de ton passé de tête brûlée, que le désir de te rendre utile prenait du sens ?

C’est ça. Quand j’ai commencé à bosser avec Fabrice, et qu’on me faisait des compliments. Qu’on me disait “Ah oui, Stévy est speed. Oui, Stévy bosse bien”. Ça me procurait une sensation de satisfaction. Parce qu’avant, on disait plus de moi “Stévy sait faire le show, il sait sortir. Il aime danser. Stévy est gâté”. C’était paradoxal. Autant je bossais à l’école, autant j’étais dans la voyoucratie. En effet, ça me changeait d’entendre autre chose sur moi. “Pas mal” ou encore “Si Stévy était là il aurait réglé ceci”. Le fait de m’endormir en me disant que j’avais fait quelque chose de bien, que j’avais été utile à des gens aujourd’hui, ça me suffisait. Je ne pensais même pas à l’argent.

Et à quel moment tu as commencé à savoir ce que tu voulais faire de ta vie ? Quel a été le déclic ?

C’était en 2010 que j’ai réalisé qu’il fallait avoir un but dans la vie. Il faut se tracer un chemin, le suivre avec ses convictions et ses idéaux. Dès que tu as le déclic, engage toi et fais le truc. Tout ce que j’avais commencé à faire me permettait de mieux savoir où j’allais. C’était plaisant de travailler.

Mais le gros déclic, ça a été la conversation que j’ai eu avec mon meilleur pote Jean-Richard, qui venait de s’installer aux États-Unis. J’ai déprimé pendant 1 an après son départ parce qu’on faisait tout ensemble. Je suis allé m’asseoir et je me suis dit : “ Bon, Steve, à quoi tu sers dans la vie ? Tu n’as pas envie de rêver grand ? “. Il m’a appelé un matin et il m’a dit : “ Je te jure, Stévy, c’est chaud ici. Les gens sont en avance. Ils sont en 2060 pendant que nous sommes en 2010. Pourtant, ils n’ont rien de plus que nous à part l’organisation et le mental “. Je ne sais même pas pourquoi ça a été un déclic.

C’est de là qu’est partie la No Limit Generation. On voulait commencer à faire les choses bien, sans forcément attendre l’Etat. L’État c’est nous. Mais on n’avait pas de sous.

Dès que tu as le déclic, engage toi et fais le truc. Cliquez pour tweeter
No Limit Generation

La No Limit Generation est née de cette conversation mais plus encore dans un restaurant. Raconte-nous.

Le restaurant s’appelait La Mandarine. Après avoir eu l’idée, on a décidé de regrouper les meilleurs jeunes de Cotonou, tous ceux qui faisaient quelque chose d’intéressant. Avec les sous de ma mère et grâce à Morel Kpodanho. on a fait une trentaine de tee-shirts noirs “No Limit Generation, Jeunesse Africaine engagée “. J’ai fait appel à Michèle Chidiac, Rodoutan, Elvis Sanya, Hinson Lewis, Gyovanni et beaucoup d’autres. C’était un dimanche matin. Je leur avais parlé de l’ambition. Ce n’était pas une question d’argent mais de changement. Ils ont dit oui.

En quoi ont consisté les actions de la Génération No Limit ?

Comme chacun de nous était sur beaucoup d’événements, on a décidé de s’y montrer avec nos tee-shirts. Ce jour-là, chacun a pris un tee-shirt et on est allés à l’Espace Tchif le soir même. La première action qu’on voulait faire c’était “Un spectateur, un ticket”. On avait remarqué que lorsque les artistes organisent des concerts, toute leur famille venait gratuitement sous prétexte que c’est leur frère qui a organisé, et les artistes se retrouvaient sans rien au final. Alors, on a monté un groupe “Les imperméables de la NLG” avec des gros bras et on se postait à l’entrée des concerts. On faisait des histoires pour que chaque spectateur paie son ticket.

Ce n’était pas une question d’argent mais de changement. Ils ont dit oui. Cliquez pour tweeter

Ce diaporama nécessite JavaScript.

On prenait dans chaque domaine, un problème et on se demandait ce qu’on pouvait faire pour y avoir de l’impact. Pour la sécurité routière, nous avons fait la campagne “Casque-toi ou Casse-toi”. On voulait faire plus mais quand on a demandé audience au CNSR, ils ne nous ont pas pris au sérieux. Pour la campagne “Un verre de trop “, on est encore allé voir le CNSR pour qu’il nous aide à diffuser le documentaire pour sauver les jeunes qui faisaient Zewé, conduisaient en état d’ébriété  et mourraient à la sortie des boîtes de nuit mais il ne nous a pas aidés.

On a fait une demande de diffusion aux chaînes TV puisqu’on avait déjà réalisé le spot audio et vidéo mais elles ont refusé : “ Vous êtes qui ? On ne vous connait pas. Vous n’êtes pas enregistrés.“. Personne ne voyait la pertinence du truc donc on a envahi internet. On a aussi payé certains DJ pour qu’ils jouent le spot audio en boîte de nuit. Mais on nous a dit qu’on empêchait les jeunes de boire et que ça faisait perdre de l’argent aux boîtes.

Je ne gagnais toujours pas d’argent. J’investissais tout l’argent de mes parents dans nos activités. Ce sont les tee-shirts qui nous ont fait connaître. On a commencé à avoir de l’audience et de la crédibilité. Puis on a commencé à vendre des Tee-shirts et enfin, on a produit le clip “Assume ta jeunesse” avec K-Mal. Toute ma vie a changé du coup.

No Limit Generation

Comment vivais-tu alors que tu n’avais pas d’argent ?

Je ne sais même pas comment je vivais. Il y avait une dame qui me vendait du Kom à crédit et une autre dame qui me vendait du riz. J’avais le choix entre Kom et riz. Quand ce n’est pas Kom aujourd’hui, c’est le riz et je marchais pour aller chez les deux. Je n’avais pas de choix en ce moment là. Les motos se vendaient entre 400 000-500 000 F CFA. C’était trop cher. Donc, je marchais et je mangeais à crédit et voilà. Je préférais me rendre utile. Je ne pensais même pas à l’argent.

Quel a été l’impact de cette révolution aux tee-shirts et aux spots ?

On a travaillé sur plein de concerts avec Jay Killah, Shamir, Akon, les HKH avec Ardiess, l’espace Tchif. Les gens savaient qu’ils ne pouvaient pas rentrer gratuitement parce que les éléments de la NLG étaient sur la plupart des événements. Ça devenait une tendance. Avec la diffusion des spots, quand les gens allaient en boîte en groupe, ils désignaient quelqu’un qui n’avait pas bu pour conduire. On apportait un certain changement de comportement de la jeunesse sur certains problèmes qu’on identifiait. A une période, il y avait beaucoup d’accidents faits par des jeunes. Ça avait diminué même si ça n’avait pas disparu. Le spot était violent et les messages étaient forts. On les mettait sur les réseaux et en audio dans les boites.

Il y a avait d’autres clubs de plus grande crédibilité que la NLG, mais plein de gens voulaient se joindre à nous. On ne se regroupait pas pour de l’argent mais pour avoir de l’impact. C’était un engagement social. Et ça changeait. On avait participé à la journée de la Jeunesse Béninoise avec Diamant Noir et la Mairie de Cotonou. C’était bien, surtout après l’album de K-Mal et le CCF qu’on a rempli avec un concert de Slam. C’était super génial.

Tu as trouvé un sens à ta vie avec la No Limit Generation ?

Le slogan de la NLG c’est “Rendre possible aujourd’hui l’impossible d’hier”. Et c’est vraiment ça qui me caractérise aujourd’hui. Pour moi, ça veut tout dire. Il y a des choses qu’on fait aujourd’hui et sur lesquelles personne n’aurait misé hier. C’est le leitmotiv : repousser les limites et apporter quelque chose. La No Limit Generation c’est mon essence. C’est ce qui m’a modelé la tête et forgé l’esprit. C’est le mouvement pour lequel j’ai beaucoup donné et qui m’a rendu fier. Toute l’équipe Bob, Kebo, Abdoul, Leconte, Armand, Judicaël, Nevis, Lewis, Léandré, tous ces jeunes de la NLG ont créé quelque chose pour Cotonou et pour le Bénin, et ailleurs. Ça fait plaisir. Il y a eu un engouement et une fièvre. On a laissé des traces.

Les gens qui me connaissaient dans le monde de la nuit, qui m’appelaient “Anaconda” ont commencé à m’appeler “l’Immortel” parce que je ne dormais plus, je travaillais sans me reposer, j’étais infatigable. On avait faim, on avait la rage. On voulait bouger les lignes en tant que jeunes, conquérir le monde ! On était animés d’une folle envie de défoncer les choses. De faire quelque chose et de le faire sans l’aide de l’Etat. Ce n’était que du social mais on brillait, ça n’a pas de prix. La NLG c’est une manière de vivre. Une philosophie. La NLG c’était mon tout. Je ne vivais que par ça.

On était animés d’une folle envie de défoncer les choses. Cliquez pour tweeter

Et pourtant, tu as laissé tomber tout ça pour aller vivre le rêve européen.

C’était une décision dure. On dit souvent qu’on ne sait à quel point on est fort que lorsque ça devient la seule solution. Il fallait que j’aille voir ailleurs pour sortir de ma zone de confort. J’avais trop peur mais pour réussir à accomplir quelque chose, il faut l’affronter. J’étais sûr que ce n’était pas le bon moment parce que NLG commençait à monter à fond. On nous invitait dans les radios, les émissions. Quand j’ai annoncé aux amis de la NLG mon départ, c’était le séisme.

  • Les gars, je vais partir, je dois partir. 
  • Non,  tu ne peux pas partir maintenant. 
  • Si je rentre dans tout ça je ne m’en sortirai pas. Soit je reste et je me donne à fond et j’oublie ma vie, soit je pars j’apprends de nouvelles choses et je reviens en espérant que le retour sera facile quoi. 

Il y a des épreuves qui nous rendent plus forts et qu’on ne peut rencontrer que hors de la zone de confort. Si on veut aller au paradis, il faut accepter de mourrir. C’était pour moi comme une mort. Je voulais quitter ce que je connaissais pour connaitre ce que je ne savais pas.

Je suis parti, contre la volonté de mon père, retrouver ma mère en Italie avec qui je n’avais jamais vécu. Je voulais surtout comprendre, apprendre d’un autre système, découvrir, voir pourquoi les autres étaient en avance alors que nous avons tous la même tête et le même sang. J’étais très passionné par internet même si la connexion n’était pas super bonne. Pour moi, c’était l’avenir. Je voulais faire une formation dans le digital. J’avais trouvé une école à Paris.

Comment tu as quitté le Bénin pour la France alors que t’avais pas de sous ?

C’est ma maman qui a pris le billet d’avion. Je n’avais pas de sous pour le payer. J’avais pris tout l’argent qu’elle m’envoyait et celui que j’essayais de voler chez le vieux pour investir dans la No Limit Generation pour les tee-shirts, les campagnes et les spots qu’on faisait. Je n’avais pas de sous en fait. C’était fou. J’investissais beaucoup dans la NLG parce que personne ne nous sponsorisait à part quelques amis du showbiz qui nous aidaient pour les vidéos et sons : Sam Seed, Don Kem, Adekunle, Nick et les artistes qui croyaient en nous et ne nous prenaient pas de cachet. Je devais avoir 8000 F CFA en poche quand j’ai quitté le Bénin.

Et une fois, en Italie, que s’est-il passé ?

Je suis arrivé en Italie, mais je ne pouvais pas aller en France. Je n’avais pas de Visa étudiant et je ne pouvais que m’installer en Italie et faire mes papiers. Je devais aussi me débrouiller pour payer près de 20 000 euros de scolarité. Mon père ne m’avait pas autorisé à partir, je ne pouvais rien lui demander. On m’a dit : “C’est du suicide, Stévy”. Mais tant qu’on a la volonté, tant qu’on y croit, il faut s’investir. J’avais un objectif. Et ce n’était plus qu’une question de temps pour moi. Je vais y arriver. Je me suis donné les moyens pour cela.

J’ai fait 8 mois en Italie. Là-bas, il n’y a pas beaucoup de Noirs donc on se saluait. Mais le véritable choc c’était de rester dans ma chambre toute la journée. Je n’avais rien à faire puisque je venais d’arriver et que ma mère allait au boulot. Je venais de quitter la NLG où je me retrouvais dans les concerts, avec les amis. Et là, j’étais enfermé dans un cagibi. La vie en Europe, franchement ce n’est pas simple. La solitude, ça ronge, ça ruine, ça tue. Je devenais fou. Je me suis demandé : “C’est quoi cette vie de m**** ? C’était ça l’Europe ? Tu allumes ton ordinateur, tu vas sur Facebook”. Je n’étais plus actif. Les gars m’écrivaient beaucoup. Je leur répondais que j’allais bien mais que je me mettais un peu en retrait.

La solitude, ça ronge, ça ruine, ça tue. Je devenais fou. Cliquez pour tweeter

Terminus, Stévy descend finalement en France.

J’ai été accueilli par ma fiancée. Il se fait que mes papiers Italiens me permettaient de résider en France. Mais je ne pouvais pas y travailler. Et si je ne travaille pas je ne pouvais pas avoir de l’argent. Je ne pouvais pas payer l’école et étudier. Je devais trouver des sous. J’ai touché le noir. J’étais à la limite de l’illégal.

Tu es déjà parti, tu ne peux plus regarder en arrière. Il faut forcément être quelque chose avant de rentrer. Même si tu dois galérer 20 ans. C’est presque un échec cuisant de rentrer au pays et de ne pas être accompli. Les amis au pays se disaient “Stévy est parti, il va revenir”.

Comment as-tu relevé le défi de payer ta scolarité sans travail ?

J’ai commencé à chercher de petits jobs. J’ai déposé partout : McDO, KFC, tous les fast-foods, stations mais je n’ai rien trouvé. Un jour, j’ai déposé dans une agence d’interim et ils m’ont rappelé pour un poste de commercial à Orange. Il fallait vendre des solutions de fibre optique aux particuliers et donc faire du porte à porte, entrer dans les immeubles. Je ne connaissais même pas Paris. On était en 2013. J’avais un seul pantalon et deux chemises. J’ai payé deux pantalons et une chaussure. Ma petite-amie Inès me soutenait. Elle était mon pilier. Elle a cru en moi.

Je suis Noir. Quand les gens me regardaient depuis le judas, ils voient un grand Noir. Un soir, pendant un Classíco, j’ai sonné. L’homme a crié depuis le salon. Je me suis présenté. J’ai dit que je vendais des offres Orange. Il m’a regardé par le judas et m’a dit qu’il revenait. Il est revenu, il a ouvert la porte et il a pointé une arme sur mon front. “ Ne toque plus jamais à ma porte, sale nègre ! “. Il m’a dit de disparaitre sinon il allait me buter. J’ai couru. J’ai descendu les escaliers à toute vitesse. Je me suis assis en bas de l’immeuble et là, je me suis mis à pleurer. Je n’en pouvais plus.

Il est revenu, il a ouvert la porte et il a pointé une arme sur mon front. Cliquez pour tweeter

J’étais fatigué parce qu’il fallait faire chaque jour un circuit, un chiffre d’affaires et rendre compte à mon responsable. Je marchais énormément pour filer les prospections.  Je marchais dans tout Paris. J’avais des ampoules au pied. Quand je suis rentré, j’ai dit à ma petite-amie que je n’en pouvais plus, que je voulais changer de boulot. J’ai craqué. J’ai envoyé un mail le lendemain à mon chef d’équipe. Je lui ai dit que le boulot m’épuisait et que côté cash, je ne gagnais pas assez.

J’ai recommencé à chercher du boulot avec une ligne de plus dans mon CV, quand même. Je ne trouvais encore rien. Je voulais même faire “chauffeur de nuit” mais je n’avais pas trouvé d’opportunité. Je ne pouvais pas quitter Paris. Au moins-là, j’avais au moins un toit. Quand mes amis de France m’appelaient, je leur remontais le moral, même si j’étais dans la même galère. Un jour, j’ai été contacté par l’EDF pour un poste de télé-conseiller. Je faisais 2h de route pour aller au boulot mais j’étais motivé. J’arrivais toujours à l’heure. Je gagnais 1500 euros, c’était bien payé. J’ai pu économiser de l’argent pour payer mon école. J’ai vécu 1 an et demi presque à Paris, avant de pouvoir régulariser ma situation.

Aujourd’hui, tu arpentes les rues de Paris comme chargé de la communication digitale de la Présidence du Bénin.

Paris est symbolique. Mes gros sacrifices pour mon avenir, mes études se sont faits ici, la difficulté de s’intégrer, devoir vivre dans la peau d’un autre. C’est une ville que j’adore, même si j’ai beaucoup d’émotion à y repasser. Mais ça fait partie des choses normales qui devaient arriver pour que j’atteigne mes objectifs. J’étais étudiant. Je suis devenu salarié. Aujourd’hui, je suis CDO de la Présidence. J’avais promis revenir servir au pays. Ce qui m’a fait tenir c’est mon objectif et la motivation. J’écoutais beaucoup Diamant Noir, Apouké, Afafa, les “Né pour briller”, les “Retour au Bled” qui me motivaient énormément. Ça me dopait le moral. C’est ça qui m’a maintenu en vie. Même si c’était à petite échelle, j’avançais quand même.  La nuit n’est pas éternelle. Le jour finit par se lever. Donc, je voulais marquer l’histoire et être immortel. Je vivais dans la peur, le stress, la solitude et la galère. J’allais à l’école sans un sou. Mais j’ai eu mon diplôme.

La nuit n’est pas éternelle. Le jour finit par se lever. Cliquez pour tweeter

Que se serait-il passé si tu n’avais pas réussi ? 

J’aurais réussi. Je le sais parce que j’aurais tout fait pour réussir. Je ne sais pas trop ce qui ce serait passé mais je sais que j’aurais réussi. C’est tout.

Comment es-tu devenu le Chief Digital Officer de la Présidence ? 

Je devais trouver un stage pour valider mon année. J’en ai finalement trouvé un à WIMI France. Mais je n’ai pas pu obtenir une alternance. J’ai dû abandonner le taf pour retourner aux cours de la 2 ème année, toujours sans le sou. Je n’avais pas fini de payer la scolarité. Il fallait encore trouver un stage pour valider la 2ème année. J’en ai trouvé un dans une boite de E-commerce. Je suis rentré après ça à Cotonou, en 2015. J’avais organisé à Cotonou le Benin Digital Day, une formation sur les techniques de recherche, méthodes et outils de veille sur Internet.

Un jour, j’ai lu un classement qui avait été fait par Jeune Afrique sur les pays où les gouvernants étaient sur les réseaux sociaux et écoutaient le peuple. Le Bénin était classé 4ème dans la liste en Afrique francophone. J’avais fait un statut Facebook ‘’I have a dream’’ où j’espérais qu’un jour, le Bénin soit premier de la liste.

Pendant ces vacances, mon patron à WIMI m’a appelé pour me dire qu’il me reprend, que celui qui m’avait remplacé n’était pas assez compétent, qu’il passerait un arrangement avec la boite où j’avais trouvé un stage. Je lui ai dit que je ne reviendrai que pour un CDI. Il m’a répondu pas de problème et c’est ainsi que je suis passé de stagiaire à salarié.  C’était vraiment la première fois où il me donnait l’opportunité de faire du Marketing digital à fond.

A mon retour en France, j’ai lancé avec des amis le Programme de Gouvernance Concertée durant la période électorale pour recueillir les contributions en ligne des citoyens et les soumettre au gouvernement nouvellement formé. On avait recueilli plus de 600 contributions en ligne entre le 1er février et le 5 mars 2016.

Après l’élection, j’ai été invité en tant que consultant et acteur, à EnnovBenin2021 sur la stratégie numérique du Bénin. L’urgence était qu’il fallait mettre en place une équipe de communication digitale au Bénin et le PR voulait que ce soit une équipe locale contrairement à d’autres pays où c’est des agences digitales étrangères.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Un jour, un proche du président m’a approché et m’a dit qu’ils m’ont identifié sur les réseaux sociaux, sur internet et qu’ils ont entendu parler de moi, et qu’ils souhaitaient que je m’occupe de la communication digitale de la Présidence et du gouvernement. C’est tombé du ciel. Du jour au lendemain, j’ai quitté mon poste à WIMI, j’ai saisi l’opportunité et je suis rentré au Bénin.

Quand tu regardes ton parcours, quel message tu en retiens ?

Les gens n’ont pas besoin de croire en vos rêves, à votre place. On rêve seul et on se bat seul pour atteindre ses objectifs. On m’a dit de ne pas rentrer au pays. On m’a dit de ne pas partir en France. On m’a dit que c’était du suicide de penser que je pouvais réussir à payer mon école. Tant qu’il y a 1% de chance, il faut essayer. On n’a pas besoin d’attendre que les gens croient en nos rêves pour les implémenter. Il y a des gens en qui personne ne croyait et qui aujourd’hui signent des autographes. C’est parce qu’ils se sont imposés sur la durée. Quand tu y crois, ça se sent.

On n’a pas besoin d’attendre que les gens croient en nos rêves pour les implémenter. Cliquez pour tweeter

As-tu réalisé le rêve que tu avais en partant du Bénin ?

J’ai eu mon MBA et j’étais monté en compétence. J’avais découvert le monde. Je suis rentré en ayant atteint mon objectif. Je me disais aussi que l’important n’est pas de travailler en Afrique mais de travailler pour l’Afrique. Quelque soit là où je serais, je dois pouvoir contribuer au développement de mon pays, de mon continent. Je suis rentré plus tôt. Mais c’était un challenge. Le poste que j’occupe n’existait pas. Il a été créé sur la vision du chef de l’État. C’est un défi parce que je suis jeune. Nous les jeunes, on aime revendiquer mais sur le terrain du travail, il faut être irréprochable.

L’Immortel, celui qui voulait faire “Sans l’État” est entré en politique.

Ce n’est pas un boulot d’être en politique. Je ne suis pas à la présidence pour un boulot politique mais pour une mission précise. La politique est un instrument au service du développement. On ne peut pas vouloir des changements au plus haut et avoir peur d’entrer en politique s’il le faut. C’est vrai que sous nos cieux la manière dont elle est gérée est pleine d’opacité et de pratiques malsaines.

Mais à la base, la politique n’est pas quelque chose de négatif. Ce milieu mérite une meilleure image et ça ne se fera qu’avec des gens qui ont une vision. À un moment donné, on a besoin d’activer des leviers politiques pour changer la donne et avoir plus d’impact. Ma mère s’est énormément inquiétée pour moi. On m’a dit : “ Tu es jeune, on va te tuer, c’est la politique”. Il faut que les jeunes puissent aller dans les instances de décision, côtoyer les grandes personnes et apprendre d’eux. Il y a des choses qu’on ne peut pas apprendre tant que vous n’êtes pas dans un certain milieu. Ça responsabilise et vous discipline énormément.

Quels ont été les moments les plus marquants depuis que tu as pris les rênes de la communication digitale ?

L’année passée, lors du discours du président à l’assemblée nationale, le chef de l’Etat a mis le pied sur le tapis rouge à l’heure exacte du démarrage de la cérémonie. Par respect du protocole, certains députés se sont retrouvés à la porte parce qu’ils n’étaient pas habitués à ce que le Chef de l’Etat vienne à l’heure. C’est peut-être anodin mais ça prouve la dynamique dans laquelle notre pays est en train d’aller.

Toute l’équipe de com priait pour se reposer. Cliquez pour tweeter

Une fois, on revenait d’une mission en Inde, après 15h de vol. On est arrivé à 5h et le chef de l’Etat avait un rendez-vous à 8h dans son agenda. Toute l’équipe de Com priait pour se reposer. Mais à 8h, il était au boulot. On est à un tel  niveau de rigueur et d’excellence qu’on n’a plus le temps de dormir. Si le patron même impulse cette dynamique, les collaborateurs sont obligés de suivre le rythme. Ces deux petites choses m’ont marqué et elles m’ont prouvé que j’étais rentré pour vraiment travailler. Et que pas à pas, les défis seront relevés.

Jet privé, hôtels huppés, dans les 4 coins du monde avec le Chef de l’État ou au Palais de la présidence ! Ça a de la gueule quand même.

Lol. Ce n’est pas du tout ça la vie au palais. Ce serait très orgueilleux de le faire croire. Par exemple, ça fait 3 jours qu’on n’a pas dormi dans l’équipe de Com parce qu’en journée, on suit le Président pour prendre tout le contenu nécessaire et la nuit, on passe à la post production pour alimenter tous les canaux digitaux et presse classique.

C’est totalement différent vu de l’intérieur. La responsabilité des gouvernants est tellement grande que ce n’est pas aisé d’être à leur place. Gérer un couple ou une famille monoparentale est loin d’être simple, imaginez toute une nation ? C’est passionnant mais il y a beaucoup, beaucoup de stress dans ce taf. La moindre erreur est préjudiciable.

Beaucoup d’Africains attendent plus de leur nation plutôt que de lui en donner. A la moindre polémique sur le net, les gens m’écrivent pour avoir de l’info mais je ne peux pas toujours parler parce qu’on ne sait pas qui est qui et que je suis à un poste de responsabilité que je dois tout faire pour mériter et honorer.

Mais c’est toujours mieux à supporter dans un jet privé

Ce n’est pas parce que tu es au Palais que tu as accès à tout, que ta vie est facile et que tu n’as plus de problèmes. Je reçois personnellement beaucoup de pression surtout des gens autour de moi. J’ai toujours des problèmes mais je ne peux plus me rapprocher de certaines personnes pour en parler. Je ne peux plus en parler sans qu’on ne me dise “Tu es dans les geôles du pouvoir, dans les bonnes grâces”. C’est très compliqué. Ça isole. C’est une mission qui isole beaucoup. Il y a beaucoup de préjugés. On te catalogue automatiquement en mode : “Ah lui et moi, on n’a plus les mêmes problèmes.” C’est beaucoup plus la pression qui n’est pas facile à supporter.

Je ne veux pas que les gens pensent qu’être au palais est une fin en soi ou un accomplissement ultime. C’est vrai qu’en termes d’expérience professionnelle et de relationnel, c’est top. Mais il y a encore des fonctions bien plus prestigieuses que ce soit sur le plan continental ou international .

Je suis de ceux qui pensent que le développement est mental puis individuel avant d’être collectif. Donc que chacun fasse son job à son échelle et on pourra mourir demain en se disant : “ Oui j’ai eu de l’impact. Oui, j’ai bougé des lignes”. Aussi minimes soient-elles.

Le service Com Digital a quand même essuyé beaucoup de critiques

Aucune œuvre humaine n’est parfaite. Il y a eu quelques dossiers brulants certes mais en back office, il y a trop de choses qui se passent. On est quand même aguerris. Si le President et son gouvernement ne répondent jamais aux attaques, ce n’est pas nous qui le feront. Comme il l’a dit récemment, ça donne un peu de piment à la vie.

Je ne suis pas revenu au pays à cause de la proposition financière. J’étais très bien payé avec mon CDI en France. Là, je suis en CDD pour un mandat. Ce n’est clairement pas la meilleure stabilité. Le challenge est grand. Mon service est en train d’écrire l’histoire parce qu’il est le premier de notre république et ça nous rendra immortels. J’en suis fier.

Les gens nous suivent à la lettre. C’est vrai que ceux qui félicitent sont moins nombreux que ceux qui critiquent. Mais ce n’est pas mauvais. C’est de la manifestation d’intérêt et en Relations Client, ce sont de bons leads à conquérir.

Être pionnier c’est bien. Mais quelle est la révolution ?

Dans l’équipe digitale au Burkina, ils sont 7 par exemple et ils s’occupent juste de la communication du Président. Nous, on est trois et les gens s’en étonnent quand ils voient le volume de travail qu’on fait pour la présidence, le Président et le gouvernement. C’est la volonté du grand patron de serrer la ceinture. On serre à fond pourvu que ça ne devienne pas un garrot.

Avec mon équipe, on n’est pas parfaits et c’est très stressant tout ça mais aujourd’hui, les retombées sont là. Dans la sous-région et à l’international, le Bénin commence à jouir d’une bonne E-Réputation grâce au leadership imposé par le régime actuel. Les gens s’informent et savent où trouver les informations officielles. On a segmenté les canaux : il y a un Facebook, un Flickr, un Soundcloud, deux comptes twitter pour le gouvernement et la présidence qui centralisent tous les contenus. En instantané, nous alimentons les canaux sur tout ce qui se passe à la Présidence et au niveau du gouvernement. Quand on avait lancé le Flickr qui centralise toutes les photos officielles de la République, il s’est dit qu’on n’en avait pas besoin. Aujourd’hui c’est un réflexe pour les gens d’aller prendre des photos de bonne qualité là-bas.

De nouvelles habitudes digitales ont été adoptées. On travaille sur l’image du Bénin, en fournissant du contenu qualitatif pour que tout ce qui est positif monte dans les recherches. Toutes les fois qu’on a un athlète, un artiste, un sportif qui réussit quelque part, on produit des visuels pour le promouvoir. C’est sur la base des talents que les gens connaitront encore plus le Bénin. Le cahier de charges est énorme et la hiérarchie compte beaucoup sur nous. On fera le maximum.

L’expérience compte plus que le fait de percevoir de l’argent ? Sur quoi faut-il se concentrer pour réussir ? 

N’est-ce pas un peu paradoxal que nous soyons sous-développés et que pourtant, il n’y ait pas de boulot dans le pays ? On est en retard sur le monde mais il n’y a pas de travail. Les besoins sont latents partout dans le pays. Par exemple, certains Zemidjans dorment dehors la nuit sur leurs motos. Quelqu’un peut penser à créer une auberge pour les Zems, où ils paient à l’heure, peuvent dormir, se doucher et repartir au travail quand ils veulent. Autre chose, on ne peut pas faire des photos d’identité la nuit ou à l’aube. Tout est fermé, même le seul photomaton de Cotonou qui est à Erevan.

Il y a beaucoup de problèmes, de besoins dans nos pays. A chaque fois que vous identifiez un besoin, et que vous creusez, vous devez pouvoir trouver la meilleure manière de répondre à ce besoin selon ce que vous savez faire.  Il faut aussi travailler avec passion. Personne ne vous dira de vous réveiller les matins pour faire votre boulot. Quand vous travaillez par passion, ça se remarque dans ce que vous faites. Il y a beaucoup de gens qui font des habits mais tout le monde n’achète pas les habits chez tout le monde. Vous devez y mettre de la passion pour augmenter votre niveau et avoir une vision pérenne des choses. J’ai travaillé pour 80% des acteurs du showbiz béninois. Je ne me rappelle pas avoir pris de l’argent chez 3 parmi eux. Tout mon problème c’était d’apprendre, de découvrir et de montrer ce que je savais faire. C’est grand d’être petit. Il faut donner pour recevoir. Parfois, nous oublions de mourir un peu pour avoir un paradis. Tout ceux qui réussissent ont eu des moments de sacrifice et de galère. Nous ne pouvons pas espérer des résultats exceptionnels en faisant des choses normales.

Nous ne pouvons pas espérer des résultats exceptionnels en faisant des choses normales. Cliquez pour tweeter

Tout le monde n’a pas la chance de tomber sur les bons déclics, les bonnes opportunités et le bon environnement

Les opportunités s’offrent à tout le monde. Nous avons les mêmes doigts mais nous ne réussissons pas tous pareils. Il faut provoquer la chance, provoquer les choses. Pour avoir mon stage, j’avais déposé des CV dans plusieurs agences dont j’avais gardé les contacts pour les rappeler 1 mois après en fonction de leur retour. Il y a une boîte où la dame m’avait répondu la formule consacrée “Je garde votre dossier sous le coude. Je vous rappellerai”. J’ai rappelé un mois après. Mais c’est une autre personne qui a décroché.

  • Je voudrais parler à Mme Untel 
  • Désolé, elle ne travaille plus ici. 
  • Ah c’est grave ! répondis-je 
  • Mais pourquoi ? 
  • Bah, parce qu’elle m’a dit qu’elle avait trouvé un contrat de stage pour moi dans une société sur Paris qui travaille dans le digital. J’ai pris mes dispositions. Comment peut-elle partir comme ça, ce n’est pas normal. 
  • Toutes nos excuses. Cela vous dérangerait de patienter un peu ? J’en parle à mon supérieur. 

C’était un coup de bluff. Je voulais du boulot. Quelques minutes après, le supérieur décroche le téléphone et s’excuse de nouveau. Il promet de regarder dans son portefeuille pour trouver quelque chose pour moi.

  • J’ai déjà dit à mon école que j’avais trouvé un stage. Ce serait dommage de me dire qu’il n’y a plus rien finalement. 

Trois jours après, je recevais un mail d’entretien. J’aurais pu ne pas être pugnace et rater cette opportunité. J’aurais pu ne pas trouver les bons arguments. Pareil, quand l’opportunité pour la présidence s’est présentée à moi, j’ai lâché mon CDI et mes contrats de consultant. J’ai joué. Il faut parfois provoquer le destin. Faites vos preuves. Montrez que vous croyez en vous et qu’on peut vous faire confiance. Ce n’est pas une question de jeunesse mais de responsabilité.

Il faut parfois provoquer le destin. Cliquez pour tweeter

Tu as dit qu’on n’a pas besoin d’être en Afrique pour travailler pour l’Afrique. En tant que repat, avec ce boulot à la présidence, quel regard portes-tu à présent sur tout ça ?

La problématique de réinsertion des repats est complexe mais c’est une question d’approche du sujet et surtout de choix personnels.

Il y a des gens qui, quelque que soit les conditions dans lesquelles on les mettra, ne réussiront pas pendant que d’autres avec le minimum, ils produisent le maximum. On ne peut pas contraindre des gens à revenir travailler dans leurs pays d’origine après avoir étudié ailleurs sous prétexte qu’ils doivent être nationalistes ou patriotes. L’homme veut être heureux . Beaucoup le sont encore mieux loin de chez eux que chez eux.

Je crois que j’ai compris. La différence est dans la mentalité et la manière de faire.

Chaque Africain où qu’il soit doit s’investir à developper notre continent . L’Afrique a besoin de nous. Akon l’a encore rappelé, il n’y a pas longtemps.  Nous devons nous investir pour régler chacun un problème en Afrique. C’est trouver sa mission, la remplir ou la trahir.

Ce n’est pas parce que j’étais de la diaspora que je méritais forcement ce poste. Puisque d’autres collègues au pays sont tout aussi compétents. C’est peut être la destinée. Ma mission en ce moment précis. Je n’ai pas réfléchi quand l’opportunité s’est présentée, je suis rentré direct. Je ne voulais plus être trop loin des miens et surtout de mon père qui commence à vieillir.

Aujourd’hui quel est ton rêve ?

Mon rêve n’a pas changé. Je rêve qu’on puisse rattraper le retard de nos pays. Ce n’est plus une question de couleur mais de mentalité. C’est une question de ressources humaines qualifiées et compétentes. C’est pour cela que la campagne “Allume ton cerveau” restera éternelle. On va relancer bientôt la NLG sous une forme encore plus opérationnelle.

Il faut juste qu’on se réveille et que chacun se batte dans son domaine. Le meilleur pâtissier, le meilleur maçon, qu’on devienne meilleurs et qu’on bouleverse les choses. C’est pour cela que je n’hésite pas à partager les success stories de mes compatriotes. C’est mon leitmotiv.

Après ma mission, je dois aller à la conquête des clients privés et publics au plan continental et pourquoi pas plus. Je rêve de m’investir dans les nouveaux médias , le social et le divertissement. Pouvoir m’entourer des meilleurs du domaine en Afrique et peut-être préparer la relève.

Je rêve qu’ensemble on puisse changer les choses et qu’on ait un impact sur la communauté. L’objectif n’a pas changé. Le rêve c’est de rendre possible aujourd’hui l’impossible d’hier.

Le rêve c’est de rendre possible aujourd’hui l’impossible d’hier. Cliquez pour tweeter

C’est dans la nuit que les étoiles brillent le plus. L’histoire de Stévy Wallace est une histoire dans laquelle on se retrouve, tous, un peu trop. C’est une histoire de tous les possibles. C’est une histoire qui dit que le seul coup de sifflet qui compte c’est celui de la fin. C’est une ode à la détermination. Je suis le maitre de mon destin, je suis le capitaine de mon âme, répétait inlassablement Nelson Mandela. Invictus. Comme la génération des miracles, comme une génération sans limites. 

Entre le temps qui s’enfuit et cette faim de gagner qui ne trouve pas son combat, on cherche longtemps la fameuse voie Le-but-de-tout-ceci. Parfois, elle se cache dans nos peurs, les plus ancrées ou quelque part dans ces choses qui nous rendent vivants. Parfois, on trouve Le-but-de-tout-ceci à l’intersection du Pourquoi-pas, entre le Lève-toi-et-déchire-tout et le Tu-vas-le-faire. 

C’est aussi une étincelle qui ne demande qu’à trouver un feu. Et d’autres fois, vlam ! Le-but-de-tout-ceci peut aussi nous frapper en pleine figure. Cette voie est une porte. Mais, un jour, un ami m’a dit : Si tu ne frappes pas, les portes restent fermées. 

Kô ! Kô ! Kô. C’était l’histoire de Stévy Wallace, l’immortel. Partagez-la aux quatre coins du monde. 

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Rechercher

Aller à la section