Vivou Guézo, le petit-fils du Roi, règne!

Il est drôle, jeune, plein de vie et vibrant d’âme, viscéral diraient d’autres. « Je me trouve, je ne me cherche pas ». Je l’ai trouvé talentueux, si plein de potentiel que ça en devenait intrigant! Jasmin AHOSSIN-GUEZO, petit-fils de notre Grand Roi Guézo a pris en otage le trône de la poésie béninoise. Il y règne, il y régnera tant que les cœurs s’émousseront sur ses verbes à l’infinitif de l’infini.


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Poète, au fond ça ne veut rien dire. Je présume que c’est un titre ronflant de plus

Je définis mon écriture comme des peintures figées d’instants vécus. Donc, que subir la dictature du ‘je’ intime confère un titre ronflant, je préfère le prendre comme un compliment. Et ça a du bon en début d’entretien, les compliments ! (sourire)

Et slameur ? Un dérivé normal ou une passion aussi ?

Oh ! Le slam a été pour moi un prétexte pour exorciser un trait de caractère que beaucoup peineraient peut-être à croire chez moi : la timidité. Je suis, en réalité – et j’ai plus de facilité à le dire aujourd’hui – un gros complexé et un agoraphobe. Donc être sur scène et dire des mots écrits dans l’intime moiteur de ma chambre, c’était une catharsis heureuse.

En réalité, ça n’a pas été aussi facile et évident que ça. Le slam est entré dans ma vie avec Apkass, un slameur congolais vivant en France qui était au Bénin pour le festival altermondialiste ‘Étonnants Voyageurs’ il y a une dizaine d’années. C’était mes années-radio et je l’ai reçu sur une de mes émissions ; il a dit des textes et après, on est restés amis. C’est lui qui me disait déjà que ce que j’écrivais pouvait être dit sur scène, devait être dit sur scène. Il a dit d’ailleurs pareil à Kamal qui était rappeur dans la même époque.

Donc après, quand Thibaut Adotanou a commencé à organiser les premières scènes au CCF, j’allais en chroniqueur télé avec mes équipes de tournage sans oser monter sur scène. Après, ça s’est fait tout seul. Et puis, je n’ai plus jamais quitté les scènes. J’aime le slam pour la démocratisation du mot qu’il permet. Venir dire un texte, qu’il soit poétique ou non à des gens venus juste pour ça, c’est quand même le pied, avouez ! (sourire)

A l’Académie de la vie depuis ? Tu t’y plais ?

Je ne sais pas pourquoi ta question me rappelle des vers de Victor Hugo (je cite de mémoire, en comptant sur ma mémoire qui s’oublie parfois) :

Naître pour vivre en désirant la mort
Grandir en regrettant l’enfance où le cœur dort
Vieillir en regrettant la jeunesse ravie
Et mourir en regrettant la vieillesse et la vie

Ça peut tenir lieu de réponse, ça ? (sourire)

Sinon, à l’académie de la vie, je ne suis pas un si mauvais élève que ça et ce que je v(o)is est pas si mal. Je traîne là depuis bientôt trente (30) ans, j’ai écrit un livre « Eden d’ébène » et co-écrit quelques autres ici et ailleurs, peuplé la terre (merci à Shaïra, mon plus beau poème), aimé des femmes (merci à Bintou, grande dame à la grande âme et Aïda, elle, mon aile, etc., etc. Sourire). Après, je suis un mec qui chérit son spleen existentiel. Je n’en connais pas encore la raison. Dès que je sais, je t’appelle pour une nouvelle interview.

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Ça nourrit le métier de poète ?

Clairement non. La question devrait être d’ailleurs : « est-ce que le métier d’écrivain nourrit son homme au bénin ? ». Le nombre de personnes vivant de la plume créative ici est de l’ordre de l’anecdotique. Mais de toute manière, moi, j’ai une vie professionnelle parallèle dans la communication, la publicité et les médias.

J’ai été depuis mes 22 ans directeur communication et marketing à média productions, copywriter puis responsable du département magazine papier et émissions télé dans l’agence Kini-Kini. Je suis resté longtemps en free-lance avec ma petite entreprise chrysalide groupe. Et là parallèlement, je travaille en co-working avec deux amis jeunes entrepreneurs comme moi et c’est plutôt gratifiant.

J’anime des chroniques littéraires et artistiques sur un programme à la télévision nationale depuis 8 ans ; j’ai écrit et composé des chansons pour des artistes (gratter la guitare, ça sert !) [sur le premier album de Sessimè, par exemple] ; j’ai participé à des salons internationaux de poésie ; j’ai initié un événement qui récompense des auteurs et acteurs du livre au bénin : « Les Plumes Vaudou » ; mes métiers d’art m’ont voué certaines reconnaissances par des prix et des trophées dont je vous épargne la liste.

Mais ne vous illusionnez pas ! Je m’ennuie bien souvent et je caresse actuellement beaucoup de projets. Mais comme je suis – je l’avoue publiquement – un fervent adepte de la procrastination, ils verront le jour peut-être… un jour ! En réalité, je fais ce que j’aime. Donc, je n’ai pas l’impression de travailler. Cliquez pour tweeter

Il parait que tu parles très rapidement, vis-tu aussi rapidement ?

La vie, en tout cas, coule à grands jets dans mes veines. Si je meurs demain, je pense que je n’aurai pas grande chose à regretter de la vie. Mon leitmotiv dans la vie, c’est : « bats-toi, aime et tais-toi ». Cliquez pour tweeter Je n’attends en général rien de personne ; je crée ce qu’il me faut et le reste, la vie va.

Tu as le nom d’une fleur… 

(sourire) Je te vois venir. J’avoue que, dans les rapports humains, je n’ai pas trop de mal. Ça vient plus de mon ouverture d’esprit que de mes effluves onomastiques, je pense (sourire). Après, pour vous satisfaire, j’aime les femmes et elles me l’ont bien rendu jusque-là.

Alors, talent compris ou incompris ?

Talent, je n’en ai pas la prétention. Un mec qui a des choses à dire ? Certainement ! Compris ou incompris ? On m’a souvent fait le procès d’un certain hermétisme. Un journaliste (Hurcyle Gnonhouè de Bénincultures) auprès de qui cette réputation m’a précédé m’a dit après lecture de mon recueil que les gens parlent plus haut que mes mots. Je pense en vrai que l’auteur qui prend sa plume et qui oriente son écriture vers un hermétisme feint en amuïssant un propos pertinent, qu’il soit cognitif ou émotionnel a une passion ambiguë dans sa vie : perdre son temps.

Chacun a sa langue. La mienne est ce qu’elle est. Et je sais qu’elle rencontre son public. Et ça me va. Il faut comprendre qu’un poème ne veut pas vous dire un événement. Elle vous dit plus l’émotion ardente y subséquente. Ma note liminaire dans le recueil le dit bien : « ce recueil est poétique donc secret bradé. Le factuel ne s’y dit presque jamais. Et portant, vous saurez les émotions inspirées, la plume-passerelle… et le poème né comme il ne fallait pas : tout à coup et bâtard ! »

Poétise nous quelque chose…

Va dire à ma tribu que la diatribe est vaine
Que je connais la valeur du sang qui coule dans mes veines
Va leur dire que nous avons la valeur dure
Et que le fils aîné d’une nouvelle ère est né.
Le soleil s’accouplait aux écluses des cieux
Quand les ancêtres, dans leur solennelle magnanimité
Ont pris notre avenir, cette roue sans essieu,
Témoins du vide d’ici
Pour donner une âme à la vie d’ici.
L’enfant est né, descendant fatal d’un sang bafoué
Pour faire de son sentier un chemin et de sa voix un fouet.
Derrière la case de l’aïeul, les cris ont laissé place aux vagissements ;
Et le vieillard a souri… l’enfant est porteur du signe. Il le sait, il le sent.
Fils de la cinquième génération, au soleil, vagissant…
C’est écrit sur les lignes de son sang !
Vieil homme, souris !
Les mystères éloquents sont laconiques à l’enterrement de l’étonnement.
Donc fils naquit qui est de la royale lignée
Rejeton votif, porteur de l’expiatoire des fautifs que le loyal liait.
L’oiseau cardinal, au feu ressemblant,
N’enflamme la brousse d’un quelconque semblant.
Gué di zo man si gbé
Dada nan gbé
Vitowé djidji djou nan dé gbé.
Souche maîtresse de mes pères, roi hors père
Monarque visionnaire, développeur hors pair
Ô père ! J’écris le livre : ‘Guézo ou quand la sortie de la torpeur opère’
Il régna sur les oiseaux des cieux,
Les hommes de la terre et les poissons des eaux
Il était plus qu’un homme et presque un dieu
Il était roi. On l’appelait Guezo
[…]

Techniquement, c’est difficile être poète ?

C’est une douce illusion que d’appréhender la poésie comme un acte difficile ou non. L’émotion étant universelle, la poésie fatalement l’est autant. Poétiser, c’est dire au monde sa rage, sa joie, son mal-être ou son bien être existentiel, etc. En réalité, toute personne est poète bien malgré elle tant qu’elle a une sensibilité émotive aux êtres et aux choses. Certes, l’histoire ne retient que ceux qui n’ont pas laissé ces émotions sur les pages du vent et qui, en sus, ont un style qui les éternise. Donc, humains de tous les pays, poétisez-vous !

 

 

 

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