Yaa Asantewaa, la fermière devenue gardienne du Tabouret d’Or des Ashantis

Héros d’Afrique 2 : Nana Yaa Asantewaa

Précédemment dans Héros d’Afrique,

Nous illustrions l’épopée de Sidi plus connu sous le nom de Shaka Zulu. L’un des plus grands guerriers, stratèges, rois et indéniables conquérants ayant foulé les terres africaines. Il aura mené son peuple à une gloire sans précédent.

Mais qu’en est-il lorsque c’est une femme qui prend les rênes de tout un peuple ? Lorsqu’une femme décide de prendre les devants d’une rébellion ?  Détrompez vous. Il ne s’agit pas de « Wonder Woman » que vous avez déjà certainement suivi. Mais de Nana Yaa Asantewaa. En avez-vous déjà entendu parler ?  Que ce soit le cas ou pas, vous prendrez plaisir à découvrir ou redécouvrir son histoire.

L’empire Ashanti, le décor de l’histoire.

Cette nouvelle histoire prend son envol dans l’ancien empire Ashanti, actuel Ghana. C’est dans ce territoire aussi appelé Gold Coast que naît Yaa Asantewaa vers les années 1840 en Besease à Ejisu. Il faut dire que les Asante (le peuple Ashanti) étaient déjà très bien organisés.

L’empire gouverné par un souverain est divisé en plusieurs villes ou provinces. Celles-ci ont chacune à leur tête bien évidemment un dirigeant qu’on peut même parfois appeler roi.  Il est encore plus impressionnant de remarquer la valeur de la parité cultivée par les Ashantis. La société Ashanti valorisait autant les hommes que les femmes. Pour chaque poste masculin, on retrouvait réciproquement son féminin. Les femmes étaient impliquées dans toutes les décisions administratives comme politiques de la société.  Ainsi, « pour chaque ôdekuro, conseil de village, une ôbaa panyin était en partie responsable des affaires des femmes du village. Le chef d’une division, le ôhene et le chef de la communauté le ômanhene, avaient leur homologue féminin ôhemma : une femme chef qui assiste aux conseils ». Les femmes prenaient donc une part active dans les décisions stratégiques.

Yaa Asantewaa, Reine mère et gardienne du trône d’or.

C’est dans cette société et pour les nobles valeurs de cette patrie qu’a vécu Nana Yaa Asantewaa. D’abord simple fermière qui s’attelait à agrandir ses fermes (qui par ailleurs, sont toujours entretenues par ses descendants aujourd’hui ), Yaa devient l’épouse de Nana Owusu Kwabena, membre de la famille royale et est ensuite nommée Reine mère par son frère  Nana Akwasi Afrane Okpese qui était le roi de la province d’Ejisu. Elle est ainsi catapultée au coeur de la haute société Asante. Il n’est pas dit exactement quand, mais elle devient gardienne du trône d’or symbole consacré de l’empire et vecteur du pouvoir et de la royauté. Cette période se situe entre les années 1880 et 1890.

Au bord de la grande guerre Ashanti : les tensions naissent.

Nana Yaa Asantewaa voit son frère rendre l’âme six ans après un événement majeur ayant touché l’empire Ashanti : La guerre civile de 1883 à 1888 orchestrée par une lutte de pouvoir qui va s’achever avec l’ascension au trône de Prempeh 1er.

Peu après débarquent les Anglais. Plus que jamais, la colonisation est là. A la tête de cette vague britannique siège le gouverneur colonial Frederick Mitchell Hodgson. Il suggère au souverain Prempeh 1er de faire allégeance à la royauté anglaise. Une proposition soldée par une objection catégorique du souverain Asante.

Les Britanniques vont apprendre par la suite qu’une alliance se noue entre Prempeh 1er et le géant Samory Toure. C’est la goutte d’eau qui fait flancher le vase. En janvier 1896, les britanniques lèvent leurs troupes contre l’empire Ashanti et prennent d’assaut la ville de Kumasi. La famille royale est prise en captivité. Prempeh 1er est envoyé en exil. Il n’est pas le seul. D’autres membres du gouvernement subissent le même sort, ainsi que le petit fils de Yaa Asantewaa, Afrane Kumaa que celle-ci a fait succéder à son frère Nana Akwasi Afrane Okpese en tant que régent d’Ejisu.

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Les tensions semblaient à leur maximum. Mais le pire se dessinait encore. Sans crier gare, le gouverneur colonial britannique Frederick Hodgson convoque une assemblée. Les dirigeants locaux d’Asante encore restants sont obligés de répondre présent. Ils le font.

Le but de cette assemblée était une demande, qui se voulait diplomatique, du trône d’or Ashanti. Frederick Hodgson précise habilement aux dirigeants locaux qu’en cas de refus, leur souverain serait laissé en exil. Là, les tensions atteignent leur point culminant. Hodgson veut s’emparer du trône d’or pour siéger au dessus de tout l’empire. Quelle idée !

Le trône d’or, plus qu’un symbole, l’âme des Asante.

La légende raconte que le trône d’or des Ashantis serait descendu du ciel comme la chute d’une étoile filante, par l’intermédiaire du grand prêtre et co-fondateur de l’empire, Okomfo Anokye. Ce dernier fit descendre cette relique des cieux qui fait office de don des dieux, pour consacrer souverain, Osei Tutu le premier roi à unifier le peuple Ashanti.

Le Trône d’Or est un siège courbe de 46 cm de hauteur. Sa plate-forme mesure 61 cm de largeur et 30 cm de profondeur. Et comme son nom l’indique, il est entièrement fait d’or. Il est orné de cloches pour prévenir le roi d’un danger imminent. Peu de personnes pouvaient voir le trône des Ashantis.

Peu de personnes pouvaient voir le trône des Ashantis. #HérosdAfrique #IRAWO Cliquez pour tweeter

Encore appelé Sika’dwa dans la langue Ashanti, il symbolise le pouvoir, l’autorité du leader et souverain Ashanti. Ce dernier est d’ailleurs le seul ayant le droit de le toucher. Ainsi, lors des cérémonies d’intronisation, le Sika’dwa est transmis au nouveau roi sur un oreiller. Au-delà de ce qu’il incarne, le trône d’or est le réceptacle des esprits des vivants comme de celui des morts du peuple Ashanti. Sa portée est encore plus profonde car il abrite également l’esprit des âmes à venir. C’est le passé, le présent et le futur. C’est l’âme même de l’empire Ashanti.

Le trône d’Or en 1935 Ⓒ UK gov — national archives

Yaa Asantewaa et la guerre du trône d’or.

Suite à l’ultimatum lancé par le gouverneur Hodgson à propos du trône d’or, les dirigeants locaux s’entretiennent en secret afin de prendre une décision. Les échanges influencés par la craintes du pouvoir britannique, faisaient pencher la balance en faveur de la cession du Sika’dwa au gouverneur Hodgson.

Yaa Asantewaa qui était aussi présente tint alors le discours qui allait changer les choses et s’inscrire dans l’histoire des Ashantis et de l’actuel Ghana :

« Comment un peuple fier comme les Ashantis peut regarder sans rien faire alors que les Blancs enlèvent leur chef et les humilient ensuite par des demandes relatives au Siège d’Or ? Les Blancs ne voient que de l’argent dans le Siège d’Or.

Ils ont creusé et cherché partout pour le trouver. Je ne paierai pas une pièce à ce gouverneur. Si vous, les chefs de l’Ashanti allez vous comporter comme des peureux et ne pas vous battre, vous devriez échanger vos pagnes contre mes sous-vêtements. Je vois que certains d’entre vous ont peur de se battre pour notre roi.

Aux temps d’Osei Tutu, d’Okomfo Anokye et d’Opoku Ware I, les chefs ne seraient pas restés assis à regarder leur roi être exilé sans tirer un seul coup de feu. Aucun Européen n’aurait osé parler aux chefs d’Ashanti comme le gouverneur vous a parlé ce matin.

C’est donc vrai que le courage d’Ashanti n’est plus ? Je ne peux pas le croire. Ça ne peut être vrai ! Je dois vous dire ceci : si les hommes d’Ashanti ne vont pas au front, nous le ferons. Nous, les femmes, nous le ferons. Nous nous battrons ! Nous nous battrons jusqu’à ce que la dernière d’entre nous tombe sur le champ de bataille… » 

Si les hommes d’Ashanti ne vont pas au front, nous les femmes, nous le ferons. Yaa Asantewaa #HérosdAfrique Cliquez pour tweeter

A ces mots, les avis étaient unanimes. Les Ashantis devaient se lever pour reprendre le contrôle de leur destinée. C’est ainsi que Nana Yaa Asantewaa dirigea ce qui sera la dernière guerre Ashanti : La guerre du trône d’or. Yaa Asantewaa lève des troupes s’évaluant à près de cinq mille (5000) individus pour un conflit qui va durer 11 mois.  Elle avait fait de sa ville natale Ejisu le siège de la guerre.

Les hommes de Yaa Asantewaa finissent par assiéger le fort de Kumasi préalablement conquis par les britanniques. Mais un coup de force effectué par le gouverneur Hodgson quelques mois plus tard en envoyant des troupes britanniques  fit lever le siège. Yaa Asantewaa fut capturée et envoyée en exil avec ses quinze plus proches conseillers. La bravoure, la témérité de Nana Yaa Asantewaa et ses hommes connaissaient alors leur épilogue le 03 Mars 1901.

Yaa Asantewaa : L’héritage.

Bravoure  et témérité qui n’ont pas été oubliées. Vingt ans plus tard,  le 17 Octobre 1921, Yaa Asantewaa expira  son dernier souffle au Seychelles où elle fut déportée en exil. Sa mort permit trois ans plus tard, le retour de Prempeh 1er et des autres exilés. Prempeh 1er s’assura de ramener sa dépouille ainsi que celles d’autres morts en exil afin de les honorer sur leur terre natale et de la meilleure façon.

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Aujourd’hui,  Yaa Asantewaa est une figure patriotique pour le Ghana et encore plus, un modèle  pour la communauté féminine. Un musée porte d’ailleurs son nom à Kwaso, un district de sa ville natale qui a aussi été son siège de  guerre. Elle s’est même laissée emporter à l’Ouest de Londres où un Centre d’Art et de Culture s’identifie aussi à son nom.

Statue de Yaa Asantewaa

Quelle femme ! Le leadership de Yaa Asantewaa est à faire connaître au monde entier ????

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