Il s’appelle Marc Quenum. Beaucoup l’appellent pourtant Sanmak ou 100mak. D’autres encore Irawo, comme ce monstrueux tatouage sur sa poitrine. Comme si un fer rouge avait décidé de son sort, comme s’il était effectivement venu graver son histoire au coeur de l’Afrique. Beaucoup d’autres encore le voient tous les jours sous le label Nette Royale, à la télévision, sur Youtube ou en cliquant sur la bonne vidéo…
100mak porte sur ses épaules Nette Royale, une agence de réalisation et de production de vidéos ou de merveilles visuelles ou de hits. Qui n’a jamais succombé à une chanson en regardant son clip ? Eh bien voilà, c’est simple, 100mak est le meilleur réalisateur du Bénin. Ce n’est pas juste moi qui le dit. Zieutez le Bénin Top 10 de l’année dernière.
Si j’ose vous montrer, avant qu’il ne le fasse lui-meme, la grandeur de ce jeune Béninois de 28 ans, je vous dirai qu’il est en train de devenir l’un des meilleurs de sa génération et de l’Afrique. J’avoue : il m’a bluffée. Son histoire, cette confiance en lui, cette ambition, cette furieuse envie d’être le meilleur, cette insolence quand il dit : “CI et CP et c’est bon, moi j’avais fini l’école “. Comme le dit si bien Amir, El Presidente de Diamant Noir, 100mak a ce truc des gens qui savent qu’ils ont un but sur terre. 100mak est une étoile de l’Afrique, s’il faut le dire en français pour mieux se faire entendre. J’ai interviewé pour vous, un Irawo inclassable. Tout simplement un homme extraordinaire ; inspirant et oui, bluffant.
Dites au monde que le Bénin a donné naissance à une légende. J’exagère ? Vous croyez ? Eh bien, lisez. Vous verrez bien…
Dis nous 100mak, comment ton aventure a-t-elle commencé ?
Par la musique. Avec un cousin, Bid-Mak, on a sorti deux albums : Critique en 2006 et Évolution en 2010. On faisait du Soyoyo. Mais je ne me retrouvais pas dans ce style de musique. J’étais beaucoup plus Hip hop. Mais à cette époque, il y en avait peu qui étaient dans ce mouvement.
C’est la réalisation qui te passionne le plus ?
C’est mon chemin. Je n’ai pas été à l’école de réalisation ni suivi des formations. J’avais un appareil photo avec lequel je filmais les répétitions de mon groupe de danse DOD ( Dance or Die crew ). J’aimais ce que je faisais mais je ne savais pas que ça m’amènerait aussi loin. J’ai appris par moi-même. Je rêvais de devenir le meilleur cadreur du Bénin. C’était mon défi.
Comment apprend t-on par soi-même sans internet, sans formation, sans bibliothèque ?
Je regardais beaucoup de videos étrangères. Je ne me comparais pas aux réalisateurs béninois. Je n’y trouvais pas ce que je voulais faire. Je m’intéressais à des clips Hip Hop, aux films et aux dessins animés. Je regardais les films pour le cadrage, la variation des plans, les enchaînements et enfin le scénario parce que c’est aussi une partie de la réalisation.
Pourquoi Nette Royale si tu te surnommes Sanmak ?
A la base, j’étais artiste-chanteur et je ne voulais pas signer mon nom d’artiste sur les videos d’autres artistes. Nette Royale s’appelait 9.1 ( Nine One ) à cause de mes deux potes monteurs qui étaient nés en 1991…J’avais ma camera et eux, ils savaient monter. Alors, on s’est associés. Avec le temps, tout le monde me disait : “ Tes images sont clean. Nettes. Nette. Nette”. C’était con mais voilà, c’est la netteté des rois. Nette Royale !
C’était con mais voilà, c’est la netteté des rois. Nette Royale ! Share on XJe ne fais rien de sérieux. J’aime beaucoup créer des petits trucs. Vous allez le remarquer par ma façon de m’exprimer en français. Je n’ai pas trop été à l’école. CI et CP ; et c’est bon, moi j’avais fini l’école.
Pourquoi tu as quitté l’école ?
Tout ça, déjà, c’était l’inspiration (rires). Je ne trouvais pas ma place à l’école. En classe, je ne pigeais que dalle. Je ne m’y sentais pas à l’aise. Tout ce qui m’intéressait à l’école c’était les mercredi et les vendredi. Pour le show ! J’étais la star des roulades. Je ne sais ni écrire ni lire. Du moins pas avec un stylo et du papier. Mais avec un téléphone, oui. L’école c’est bien mais mon chemin n’est pas passé par là.
Comment t’es-tu débrouillé jusqu’à maintenant avec ça ?
Personne ne me croit quand je dis que je n’ai pas fréquenté. Personne. J’ai fait beaucoup d’efforts pour apprendre à m’exprimer en français. Ce n’est pas à l’école que j’ai appris tout ça. J’ai appris dans la rue, avec des potes pas forcément aussi tarés que moi. J’aime toujours être avec des gens qui ont un plus, un côté un peu intellectuel. Et à force de les côtoyer…
Parler couramment le français était très important pour moi, depuis que j’étais petit. Mais, je savais que ce n’était pas à l’école que je l’apprendrais. Je parle le Fon et le Mina. Dans la famille de mon père, la « Panthère Noire », personne n’a vraiment été à l’école. Pas même mon frère Robinson Sipa. Après le CE1, la plupart d’entre nous sont sortis de l’école pour se chercher. Mais quand on touchait à de l’art, on en devenait les rois.
Quand on touchait à de l’art, on en devenait les rois. Share on XComment expliques-tu ça ? C’est un don familial ?
Mon père était un artiste polyvalent. Il faisait tout. C’est son sang qui vit en nous. Lui-même n’avait pas de maître. Georges Quenum, c’était lui la Panthère Noire. Il y avait des Blancs qui étaient venus en Afrique faire du cirque. Ils jouaient avec les lions, les tigres et avec le feu. Et mon père, sans parents, tout bêtement, s’y est jeté. Un jour, celui qui jouait le tam-tam, pour accompagner les gens du cirque, était malade. Mon père qui était le garçon de course l’a remplacé. Il les a émerveillés et ils l’ont emmené avec eux en France.
Mon père n’a jamais sorti d’albums mais c’était un artiste musicien. Il faisait du live avec 6 Toumba. Il était maître saxophoniste, maître choriste. Il a beaucoup enseigné à Angelique Kidjo. Quand il est revenu au Bénin, il est revenu avec le surnom de la Panthère Noire. A Vodjè, dans notre maison, il a commencé à organiser lui-même des spectacles de cirque. C’est pour cela qu’il y a des statues de panthère chez nous. Il fabriquait des guitares basses, des contrebasses, des violons. Il faisait du spectacle avec des animaux, avec mes soeurs, avec mes frères : les jumeaux Eddy et Robinson Sipa.
Quel regard portes-tu sur la concurrence ? Range ta modestie.
Je n’ai pas d’ennemis ni de concurrents. Avant de devenir Sanmak, j’ai travaillé avec tout le monde, dans l’ombre. Avec Scuz Boss, Heragem, DalJ, Imperial, Drahmas, Polo Orisha, Real Sniper. Je n’aime pas trop balancer ce genre de propos mais je suis obligé de le dire parce que tout le monde pense que c’est ça : honnêtement, je ne vois pas quelqu’un qui fait mieux que moi en matière de cadrage. C’est à ce côté que je me suis plus adonné. Aujourd’hui, il existe une équipe Nette Royale qui bosse sur les montages.
Si tu as réalisé ton rêve de devenir le meilleur cadreur du Bénin, quel est ton prochain challenge ?
Mon plus grand rêve c’est d’avoir ma place à Hollywood. Devenir pourquoi pas le réalisateur numéro 1 dans les plus grosses maisons de production de cinéma.
Est-ce que tu as déjà eu à faire quelque chose dans le cinéma ?
Oui, j’ai réalisé deux films. Il y a “L’abomination“ et “L’allumeuse et le manipulateur”, des productions béninoises. J’ai pas mal de projets et j’attends de m’y investir. Je n’ai pas non plus envie de faire comme les autres. J’ai une vision différente pour le cinéma béninois. On peut faire beaucoup plus avec plus d’organisation et plus de moyens.
La qualité de l’image, les scénarios peuvent être améliorés. Il y a une génération de jeunes qui s’annonce, des réalités nouvelles qui apparaissent. Je ne retrouve pas forcément ça dans nos films. Certains essayent mais il faut plus de productions pour que chaque jeune Béninois s’y retrouve.
Est-ce que tu retransmets ce que tu as appris, même sur le tas, à d’autres ?
Tous les jours, des jeunes veulent bosser avec moi. Ça me fait plaisir et ça ne me dérange pas. Mais deux problèmes se posent. D’abord, je ne suis pas stable. Je n’ai parfois pas le temps ou je suis en voyage. Ensuite, j’avais essayé de le faire avec certains mais j’ai été déçu. Il y a des jeunes qui ne sont intéressés que par le m’as-tu-vu de l’histoire. Il y a certaines personnes qui ne seraient pas arrivés à mon niveau avant de “fuck up” tout leur projet par le m’as-tu-vu.
Moi, je me casse vraiment la tête. Pour mes tournages, j’écris une petite partie du scénario et je gère ensuite avec le terrain. J’ai compris quelque chose : notre réalité en Afrique est bizarre. Ce n’est pas ordonné comme ailleurs. Il y a toujours des imprévus et des manques de moyens. Il y a toujours quelqu’un qui sera en retard. Et le propriétaire du lieu de tournage qui vous rappelle l’heure.
Ces choses m’énervent et pour éviter tout ça, je prévois certaines choses mais je ne les valide que sur le terrain. Je n’ai pas le temps de m’amuser. Quand quelqu’un te paye un million pour son projet, et te voit trop free, il a peur. Tout le monde a confiance en moi à 100% quand il s’agit de tournage. Il n’y a pas d’à peu près. Ce n’est pas facile. Ça a été difficile pour moi de l’instaurer.
Dans la vie, il faut taffer. Tant que tu taffes, il faut tout faire pour être frais. Il n’y a pas une fille qui va y résister. Je suis un réalisateur. J’essaye de réaliser ma vie aussi. Je sais ce que je reflète. Se rendre frais sans taffer, c’est gauche. Aujourd’hui, je gagne énormément ma vie avec un taf que je n’ai jamais appris. Tout ce que j’ai à dire aux jeunes, c’est de prendre leur vie au sérieux. C’est très très important. Moi, c’est ce que j’ai fait.
Au début du tournage, je ris pour mettre tout le monde à l’aise, mais après, on s’oublie. J’ai essayé de travailler avec certains jeunes. Je connais plein de réalisateurs qui sur le tournage prennent plus soin des filles que de leur caméra. Ils rigolent, ils bavardent, ils font des bisous. D’autres fument sur le lieu de tournage. Moi, je ne fume pas, je ne bois pas d’alcool, je ne sors pas la nuit pour aller fêter. Toute ma vie, je me suis donné au taf.
Après le taf, si je trouve un bout de temps pour me faire plaisir, c’est juste avec mes enfants. Et ça aussi, c’est un peu rare. Mais je l’accepte comme ça et je demande à ma femme de l’accepter comme ça. Elle ne manquera de rien, c’est le plus important. Si tu es présent 24h sur 24 et qu’il n’y a pas d’entrée, vous aurez tout le temps des problèmes. Je lui dis “ Chérie, je vais tout faire. Tu ne seras jamais en manque. Mais en ce qui concerne le temps, il faut essayer de voir. C’est ta part de sacrifice”.
Mais, bien-sûr, je ne vais pas arrêter d’essayer à cause de cela parce que tout le monde n’est pas pareil.
Tout ce que j’ai à dire aux jeunes, c’est de prendre leur vie au sérieux. Share on XEst-ce qu’à un moment ou à un autre, tu t’es senti dans l’ombre de tes célèbres grands frères ?
Je n’ai pas surfé sur le buzz de ma famille. Il y a des gens qui auraient pu chanter tout le temps “Je suis le petit frère de Sipa“ mais ça n’a pas été mon cas. Quand j’ai commencé à faire de la réalisation, personne ne le savait dans ma famille. D’ailleurs, j’avais cessé de vivre à la maison à partir de 14 ans.
Comment te débrouillais-tu pour manger quand tu as quitté ta famille ?
Peu de jeunes auraient le culot de faire tout ce que j’ai fait. J’ai tout fait sauf la vie facile. Je n’ai pas pris par l’arnaque. J’ai commencé à travailler à l’âge de 12 ans. J’ai été aide-maçon avec 6000 F la semaine. J’ai été apprenti coiffeur. Ensuite, j’ai travaillé dans les travaux publics. J’ai bossé en tant qu’ouvrier pendant trois ans sur les chantiers de construction de routes. J’ai été ramasseur de racines puis manœuvre d’un vieux qui conduisait une niveleuse. Avec le temps, il m’a laissé conduire la machine. Mon salaire était de 70 000 F CFA le mois. J’avais 15 ans.
Un jour, les Blancs sont venus sur le chantier, et j’étais aux commandes de la machine. J’étais tout petit mais je le faisais bien. Ils m’ont demandé ce que je faisais là, où était mon patron. Ils sont partis mais c’était pour m’espionner de loin. Le lendemain, ils ont ramené une deuxième machine juste pour moi. C’est après ça que je me suis lancé dans la musique – que j’ai financé avec mon salaire de manoeuvre-, et après la musique, la danse. Avec ces expériences, j’ai “connu” l’argent. Je cherchais des activités toujours plus rentables. Je ne faisais pas du gaspillage. Je voulais me faire un nom. Je voulais devenir quelqu’un.
Je voulais me faire un nom. Je voulais devenir quelqu’un. Share on XComment t’es-tu payé ton premier matériel ?
C’était un cadeau. Une CANON 550D. J’avais commencé par la photographie. Je faisais des shooting photos à 70 000 – 80 000 F à des mannequins pour économiser de l’argent et payer d’autres matériels. Des séances photos, je suis passé au tournage des clips vidéo. C’était le premier appareil numérique avec lequel on a fait des clips vidéos au Bénin. Grâce à ça, j’ai commencé à bosser avec tous les réalisateurs qui étaient là avant moi. C’est cet appareil qui m’a donné de la visibilité grâce à la qualité des images, en HD, sans bandes. Ça épatait tout le monde. J’avais commencé à faire quelque chose que beaucoup ne faisaient pas. J’ai ramené un nouveau truc dans le game. Aujourd’hui, je peux faire un taf de 700 000 F en une journée.
Quel matériel utilises-tu aujourd’hui ?
J’ai une CANON 5D. J’ai trois objectifs : 50 millimètres, 14 millimètres et 35 millimètres. Et mon Steadicam. J’ai aussi deux petites lumières et un drone Phantom 3+. Ça étonne beaucoup de personnes. La base, c’est le rêve. On peut avoir les plus beaux matériels du monde et ne pas faire du bon travail.
Quelles ont été les productions ou les collaborations dont tu as été le plus fier ?
Je n’ai pas encore de travail qui me rende si fier que ça. Ce n’est pas encore mon rêve. Parfois, ça m’énerve qu’on crie mon nom tout de suite. Parce que je ne suis pas encore prêt. Ce n’est pas encore ce que je veux. Mais depuis Nine One à aujourd’hui avec Nette Royale, j’ai fait plus de 2000 vidéos. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Degg J Force 3 de la Guinée, Iba One du Mali, Soul Bang’s lauréat du Prix Découverte RFI 2016, Kandia Kora de Bomaye Musik, Fanicko, Blaaz, Sessime, CCC, Willy Mignon, Kemi et plein d’autres. J’ai percé dans mon pays avant de percer ailleurs mais on a de plus en plus l’impression que c’est le contraire.
Peut-on dire que c’est la rue qui a fait Sanmak ?
Oui. Tout ce que je sais faire aujourd’hui ne vient pas de l’éducation de ma famille. Personne ne me calculait et je ne calculais personne. Personne n’a le temps de personne. Chacun se démerde, tant qu’il n’y a pas de problème. Dieu m’a aussi donné quelque chose parce que si c’était uniquement la rue, j’aurais déraillé. Je fréquentais des amis…pas forcément gentils. Je n’ai pas touché à la weed. Je n’ai pas encore vu quelqu’un fumer de l’herbe et être normal. L’herbe a fait beaucoup de mal autour de moi. Dans mon enfance, ça a détruit une personne très chère à moi et c’est pour ça j’ai juré de ne jamais y toucher. J’ai vu pas mal de choses passer sous mes yeux. Je me suis mis des barrières à la base.
Quand je demande ce que la weed va me faire comme bien, on me répond que ça va plus m’inspirer mais que la suite ne sera pas bonne. Ceux qui fument de la weed n’y réagissent pas de la même manière mais ont tous un même côté : la weed te fait traîner les pas. Bien-sûr, tu vois les choses autrement, tu penses que tu peux speeder, les idées viennent mais tu ne vas pas les réaliser parce que tu te dis que tu as tout : et tu te reposes et c’est fini. J’ai vu des proches être ralentis par ça. Tout le monde les a fui. Un ami réalisateur a perdu ses clients par ça : il ne livrait pas vite les rushs, il ne prenait plus soin du taf, il ne taillait plus d’importance à ses clients. La weed, ce n’est pas trop bien.
La weed, ce n’est pas trop bien. Share on XC’est pour cela que tu as chanté “Ton étoile » ?
Quand l’inspiration de “Ton étoile” m’est venue, j’ai pleuré. Je n’ai pas écrit le texte. J’étais sur ma moto. J’ai commencé à la chantonner et ça m’a donné la chair de poule. J’ai composé l’instrumental par note vocale et j’ai fini la chanson au studio. C’était en 2016. Je parle des personnes qui ont quelque chose mais dont le sort est taché par les mauvaises personnes. Mais peu importe ce qui se passera, tu finiras par briller. Parmi toutes les chansons que j’ai eu à faire, c’est celle qui me touche particulièrement. A chaque fois que je l’écoute, ça me donne envie de pleurer. C’était comme si cette chanson c’est moi. Mes chansons racontent toujours ce que je vis mais celle-ci, c’est comme si tout ce que j’y ai raconté était une vérité.
Quelles difficultés as-tu rencontré en commençant la réalisation ?
Quand j’ai commencé la réalisation, je bossais dans l’ombre de ceux qui étaient déjà là, vu que personne ne me connaissait. Je shootais les images et ils faisaient leur montage. Ils ne me payaient pas forcément quelque chose mais parce que je savais là où j’allais, ça ne me disait pas grand chose. Pour percer dans le game, il faut bosser avec les membres qui sont dans le game avant toi. Il te faut de l’expérience. Tu dois devenir le maître de ta vie. Et pour cela, tu dois te créer un parcours. J’ai commencé seul mais j’ai travaillé avec les autres.
La Panthère Noire a-t-elle donné un chat ? Si ton père était encore en vie, que dirait-il de toi ?
C’est mon seul regret aujourd’hui. Quand je trouvais que l’école n’était pas mon truc, que je rentrais à la maison, quand tout le monde voulait me taper, lui, il disait: « Laissez-le. Il a quelque chose, je sais ». Mon père était le seul à me défendre alors que c’est lui qui me payait l’école. C’est comme s’il connaissait mon sort. Je me disais, étonné : C’est quel papa ça ? Mais il est cool ! Quand je pense à lui, ça me fait un peu mal. Il serait très fier de moi.
Quel est le prochain projet de Sanmak ?
Je cherche des tuyaux sûrs pour produire des artistes. C’est pour aider les nouveaux talents à sortir de l’ombre, les révéler. Je connais pas mal de petits dans l’underground qui sont 3 fois mieux que des gars qu’on connait déjà. C’est pour quoi je signe depuis quelques temps “ Nette Royale Production “. Je veux créer une industrie musicale urbaine.
Comment as-tu fixé le prix de tes prestations à Nette Royale ?
Avant, je regardais la qualité du travail, les retours des clients, les prix que les artistes étrangers payent à leurs réalisateurs. Pour quelqu’un qui connait la valeur de ce que je fais, mon prix n’est pas exagéré. Le prix minimum pour avoir un clip au Bénin signé Nette Royale est 500 000 F. Quand je dis mes tarifs standards aux étrangers, ils les trouvent moins chers parce qu’ils savent ce qu’une réalisation peut coûter. J’augmente peu à peu. Si la qualité de mon travail change, le prix changera.
Raconte nous comment un clip signé Nette Royale nait…
J’écoute d’abord le son. J’imagine le clip. J’écris le scénario. Chaque clip est un rêve que je fais. Je dis ce qu’il faut pour réaliser ce rêve. Si l’artiste me donne les moyens, j’organise le tournage. Je fais mes repérages, je cherche les figurants. Parfois, je coache les danseurs ou j’amène l’artiste choisir ses tenues de scène…
Le jour du tournage, je viens avec mon matériel. Je coache les artistes. Il faut savoir à quel moment il faut gester, il faut le style. Je sais ce qu’il faut pour chaque son parce que j’ai été danseur, chanteur et aujourd’hui, je suis réalisateur. Quand quelqu’un ne fait pas ce qu’il faut devant ma camera, je le remarque. Je m’occupe de la prise d’images et de la direction artistique. J’apporte les rushs à l’équipe Nette Royale qui s’occupe du pré-montage. L’équipe est composée de X-Time, de Cass Lee, de Monel Sagbo, de Barakell Béni et de Patrick Quenum. C’est à partir de OVFC de Fanicko que le buzz a démarré. Nous avons réalisé le rêve de ce clip.
Il y a au moins 5 signatures de Nette Royale qui tournent en boucle dans une journée sur des grandes télévisions panafricaines . J’analyse tout ce qui marche, comment rester dans cette ambiance et j’ajoute un plus. Sanmak, ce n’est pas juste une seule piste à suivre. C’est sans marques. Mais la touche Sanmak c’est faire le meilleur travail possible.
Récemment, tu as partagé une diffusion qui disait que les nouvelles videos de Nette Royale se ressemblent trop. La majorité de tes followers a approuvé cette critique. Qu’en dis-tu ?
Trois facteurs expliquent cette impression. De 01, les artistes ne mettent pas assez de moyens dans la réalisation de leurs clips. Les vidéos freestyle, dans la rue sont des productions à petit budget. De 02, les chansons elle-mêmes définissent les vidéos. Si c’est un son qui est juste dansant, on ne peut pas faire des scénarios. On utilise des trucs amusants, naturels, simples pour faire passer le feeling. De 03, il y aussi les exigences des chaines internationales qui font la promotion des artistes africains. J’ai fait beaucoup de vidéos. Les plus populaires ont fait le buzz et capté l’attention du public. Les autres sont pour la plupart, disponibles sur le compte YouTube de Nette Royale. Je fais de mon mieux pour satisfaire le public qui nous soutient et je prendrai en compte ce commentaire.
Tu n’as pas été victime de préjugés ? Si oui, ton travail a-t-il été touché par cela ?
On m’a toujours pris pour un gangster, un voyou qui ne veut rien faire. Même jusqu’à présent, certains croient que je suis un cyber-criminel. J’ai mon style, mes Dreadlocks. Avant, je me nattais les cheveux. Je me suis tatoué. Je suis simple mais quand on me voit, on doit me remarquer. Même parmi 100. Mon secret c’est ne pas être là où on m’attend. On peut être habillé en veste-cravate et être un faux. Mais quand on me croise, on se dit que c’est moi le faux. Mais ça ne me dérange pas. Je trouve bête de penser que l’image d’une personne représente cette personne. C’est trop bête. Aujourd’hui, je suis fier que des jeunes veuillent me ressembler. J’ai beaucoup de responsabilités à mon âge et j’arrive à les assumer. Pourtant, je n’ai pas la vie facile. Mon coeur est différent de mon image.
Mon coeur est différent de mon image. Share on XJe suis un jeune cadreur, je veux des conseils. Que me dis-tu ?
Peu importe le domaine dans lequel tu es, sois sérieux, sois pas jaloux, prends exemple sur les autres et fais ce que tu as à faire. Je vois certains se démener très bien et ne pas avoir ce qu’ils veulent. C’est là que je me dis que Dieu ne donne pas la même force à tout le monde. Tu peux être en train de faire de ton mieux, je peux te donner des conseils mais ça ne changera pas grand chose à ta vie. Il faut aussi “le feeling”. Il y a des petites qualités à developper : livrer vite les rushs, faire confiance à son client, ne pas être pressé par l’argent. En matière de réalisation, il faut être un peu fou. Il faut être aussi très éveillé et speed. Quand tu as ta caméra dans la main et l’acteur devant toi, c’est à toi de le mettre en valeur. Tu dois te casser la tête pour cela. Il faut que ton cerveau tourne à tout moment.
Sois sérieux, sois pas jaloux, prends exemple sur les autres et fais ce que tu as à faire. Share on XPour une première collaboration, je peux juste me concentrer à faire un boulot de qualité pour faire revenir le client. Je ne dis jamais non à un nouveau client. J’écoute toujours le client et en fonction de comment il gère avec moi en retour, on continue la collaboration ou non. Ma priorité n’est pas toujours l’argent. Il y a beaucoup d’artistes qui veulent revenir à Nette Royale, mais je dis non malgré tous leurs sous. J’adore le respect. Je respecte les gens donc j’aime qu’on me respecte. Je fais ce que j’ai à faire pour avoir ce respect. Je ne cherche pas à m’imposer aux artistes. Je tiens compte de leurs idées. C’est très important que les deux parties soient gagnantes. Aujourd’hui, tous les artistes qui m’approchent ne veulent rien savoir de l’organisation. Ils veulent juste connaitre le prix. “Sanmak, tiens, vas-y gère ! “
Tu aurais pu t’abandonner au désespoir dans la rue. Tu aurais pu tout lâcher pour la vie facile. Comment as-tu réussi à tenir ?
Je suis pas religieux, je n’adopte rien mais j’ai confiance en Dieu. C’est lui qui m’a donné ce potentiel et cette force. Et je ne suis pas jaloux. Même si un proche a une opportunité, je me dis que c’est sa chance. Ça ne me dit rien. J’essaye de respecter la vie. Je fais du bien autour de moi. Depuis toujours, ce que je gagnais servait à aider ma famille à sortir de la galère. Et ça, je sais qu’il y a des jeunes qui ne penseront pas à ça. J’ai plein d’amis qui ne voient pas la vie comme ça.
J’ai quelque chose au fond de moi qui me rassure, quelque chose qui me dit que je suis grand, que tout le monde me respectera. Je n’ai qu’à travailler. Je ne sais pas exactement. J’ai encore beaucoup de choses à traverser. Je ne suis pas encore arrivé. Je consacre tout mon temps à mon taf. Je ne fais pas autre chose. Je suis toujours occupé par mon travail. Je suis tous les jours au tournage. Je travaille dans la journée et la nuit, je suis en post-production avec mes gars. Ma façon de voir le temps filer est différente. Je suis sur une vitesse que je ne peux pas expliquer. Je ne vois pas la vie de la même façon que tout le monde.
J’ai quelque chose qui me pousse, qui me met la pression, qui me dit que j’ai encore beaucoup de choses à réaliser, qui me dit quand je gaspille mon temps. Cours ! Cours ! Cours ! Je vais graver mon histoire dans la tête de tout le monde.
Je vais graver mon histoire dans la tête de tout le monde. Share on X