Quand Vital Sounouvou parle, il a les étoiles dans les yeux. Il vous donne l’impression qu’il pourrait déplacer le monde d’un coup de rein ou de pied. Pourtant, il n’a qu’un quart de siècle, celui-là qui a tôt fait de passer outre les discriminations pour se construire un univers. Son histoire n’est pas banale, elle n’est pas simple. De l’ingénierie informatique au commerce, du petit jardin de l’Unité au monde, petit à petit mais jamais sans sa rage et sa foi. Quand Vital Sounouvou raconte son histoire, vous avez des étoiles dans le ventre. Et dire que tout a commencé par les voitures volantes…
M. Vital Sounouvou, deux licences et plus de deux cent millions de dollars de potentiel selon une projection du Magazine Forbes pourtant.
J’ai une licence en télécommunications et une autre en ingénierie informatique et réseaux. Je suis commerçant. Je vends du riz, je vends du sucre. La seule différence c’est que j’ai créé une plateforme portée par une société offshore pour gérer les transactions et nous avons des comptes dans des banques privées.
Etes-vous devenu entrepreneur parce que vos professeurs vous ont dit que votre filière était sans espoir ou encore par effet de mode ?
Ni l’un ni l’autre. J’ai subi beaucoup de brimades en raison de mon handicap. J’étais le colosse aux pieds d’argile. Les rêves d’enfance que j’avais étaient trop gros pour être réalisés en tant qu’employé. Je veux toujours faire des voitures volantes. De 6 ans à 12 ans, j’ai passé mon temps à l’hôpital à cause de ma jambe. La vie après l’hôpital c’était une vie de défis constants. La seule option était de réaliser mes rêves qui étaient un peu l’échappatoire dans le monde où j’étais minimisé. J’ai vendu des cartes de St Valentin, des cigares, des tee-shirts THEOJI. J’ai été monteur 3D, j’ai été volontaire pour le Carrefour International de l’innovation. Plus tard, je me suis rendu compte que ça s’appelait entrepreneuriat.
L’entrepreneuriat ce n’est pas des paroles, c’est des actions; ce besoin constant de défis. Share on XVous êtes donc parti du ridicule gagne-pain des cartes de St Valentin pour Exportunity, une plateforme de commerce international.
Il y a eu beaucoup d’échecs, ce n’était pas aussi direct que ça. Je me rappelle toujours de cette dame qui m’a tiré dans son stand au Carrefour International.
Elle m’a fait boire et m’a dit, désespérée: « Comment tu peux nous aider à trouver de gros acheteurs? Je dois nourrir les enfants. Je ne peux pas réussir parce que je suis trop occupée par la production, fatiguée par les foires. Aide-nous à écouler nos marchandises» .
J’organisais des foires mais je ne résolvais toujours pas les problèmes de ces producteurs. Il n’y a pas de passerelle entre les gros acheteurs, des gens capables de payer 100 conteneurs de riz par mois et les producteurs locaux. Constater ce gap m’a lancé dans cette aventure qu’est aujourd’hui Exportunity. Nous avons démarré le projet Eworbiz avec quelques amis. On a échoué. On était endettés. Les autres m’ont lâché, je me suis relevé. Je suis rentré à la maison. Les parents m’ont dit: « Va te chercher un boulot », j’ai dit non. J’ai fait des deals et payé mes dettes.
Puis, j’ai recommencé. Cette fois, avec Africa Mega Product. On a tenu 6 mois, ensuite on a encore échoué. J’étais désespéré. Je trainais à la place de l’unité de Porto-Novo. Ma petite-amie de l’époque m’a relevé. Elle m’a aidé à trouver le nom Exportunity et m’a fait promettre de ne jamais m’arrêter, en tout cas pas avant d’avoir fait un milliard de dollars. Elle m’a dit: « Tu sais, ces gens ont besoin que tu réussisses. Ce n’est pas juste pour toi mais pour leurs familles à nourrir. J’ai besoin que tu me promettes que tu ne t’arrêteras pas. ».
Il y a tellement de gens qui m’ont aidé en raison de cette foi que j’avais que ça allait marcher. L’objectif ultime de Exportunity est que le jeune entrepreneur à Natitingou puisse connaître une économie d’échelle. C’est extrêmement compliqué de faire du poulet ou de la dinde, de retourner à la terre. Parce que tu vends où ? Grand Corps Malade l’a dit: L’ascenseur social est bloqué. Et Exportunity veut être cette machine à fabriquer des millionnaires. Share on X
Vous avez dû avoir des expériences incroyables pour arriver à ce niveau de rage et de determination.
Le monde est un endroit méchant. Les Africains doivent arrêter avec ce panafricanisme bonbon. Seuls les intérêts comptent. J’ai une colère accumulée des Seychelles à Dubai, en passant par l’Ile Maurice où le monde ne me respecte pas en tant que Noir. J’entre dans une piscine, les Blancs en sortent. On s’attend à ce que je porte des cartons dans une entreprise où je ne suis pas employé pour ça.
Un emirati m’a invité dans sa ville et il m’a dit ce qui a constitué le choc de ma vie. « Nous avons transformé notre désert en or. Tu ne seras jamais riche chez nous. Notre système est conçu pour que votre argent reste chez nous et que vous partiez. Tu es venu ici en taxi de Dubai. Tu manges et dors dans des hôtels de chez nous. Quand l’argent quitte ta poche, il va où ? Si tu veux faire quelque chose, rentre chez toi. ».
Il m’a niqué le cerveau. Le lendemain, j’étais rentré à Porto-Novo. C’était la meilleure décision de ma vie.
Et quelles en sont les meilleures leçons ?
Il ne faut pas démarrer un projet pour l’argent. L’argent n’est que la conséquence. Il va et il vient mais les relations restent. Il faut investir dans les relations, les bonnes relations. Dans la vie il y a deux types de personnes : ceux qui vous respectent et les autres. Investissez dans ceux qui vous respectent. Je pense aussi qu’il faut foi avoir en la providence. J’ai réalisé presque tous mes rêves. Beaucoup de gens se sont autant investis que moi mais on est pas tous au même niveau. Foi, amour et gratitude, c’est ma combinaison magique.
Le YALI, le prix Tony Elumelu, Microsoft, le Corporate Council in Africa, que d’expériences accumulées.
En effet. Le YALI m’a permis d’avoir un certificat d’entrepreneuriat de l’université du Texas à Austin, la meilleure université d’entrepreneuriat aux Etats-Unis. Il m’a permis d’élargir mon réseau relationnel. Le prix Tony Elumelu m’a permis d’avoir un deal avec une grosse banque que je convoitais. On devait tous poser une question. Je me suis levé et j’ai dit : « Bonjour M. Tony Elumelu, je suis Vital Sounouvou et je suis Béninois. Je ne suis pas venu pour vos 10.000$. Je suis venu pour faire affaire avec vous. J’ai une entreprise et on est enregistré à l’île Maurice. Je veux que votre banque soit l’outil principal de transaction de ma plateforme pour le marché du Nigeria. ». Il était choqué mais j’ai eu le deal.
Avec Microsoft, on a un projet pour les tablettes Exportunity, des tablettes adaptées aux besoins des commerçants africains. Le Corporate Council m’a apporté un accès instantané aux personnalités les plus importantes de l’investissement en Afrique. Ça va paraître un peu classique, mais chaque opportunité que la vie vous offre, gardez toujours un pied à l’intérieur.
Ne partez jamais définitivement de nulle part. Share on XLe sous-développement est dans les détails, dit-on. Lequel changeriez-vous ici au Benin ?
Les lois sur le commerce. Il faut augmenter les taxes à l’importation et diminuer les taxes à la production intérieure. Si la production béninoise pouvait être gérée par une plateforme comme Exportunity, les recettes de l’Etat et la production locale seraient boostées.
Seul Béninois du 30 Under 30 de Forbes Africa c’est impressionnant. Mais, pourquoi avoir quitté le Bénin? Parce qu’il était anti-leadership?
Non, anti-affaires. l’environnement des affaires ne me permettait pas de créer une plateforme de cette envergure. Sur le plan des transactions, aucune banque ne pouvait me permettre de faire des paiements en ligne sans m’arnaquer ou me prendre des commissions surélevées. Cependant, on pourrait réaliser des merveilles en assainissant l’environnement des affaires et la sécurité de l’investissement. Je suis fier d’être Béninois. Le Bénin m’a transmis la fibre entrepreneuriale. C’est mon havre de paix. J’y reviens toujours.
Le petit qui voulait être normal en créant des voitures volantes a t-il fini de vivre ses mille vies ?
Absolument pas. Vivre de nouvelles vies, de nouveaux défis, c’est ma drogue. Il y en a encore des millions à vivre. Et je voudrais ajouter ceci. Dans le succès, les gens deviennent euphoriques et c’est la pire des choses qui puissent leur arriver. Le succès n’est pas forcement le meilleur ami qu’on puisse avoir. On apprend des échecs et de l’adversité.
Quand vous avez du succès, portez du bois, puisez de l'eau et rappelez-vous d'où vous venez. Share on X