Le Made In Cameroon : plus qu’une tendance, une constante à consolider

De mémoire, je ne me souviens pas avoir vu les produits de fabrication locale camerounais jouir autant d’une exposition qu’au cours de cette décennie. Le Made In Cameroon est un label qui ne cesse de s’étendre. Il englobe plusieurs secteurs d’activités, conquiert du terrain et convainc les gens au-delà même du Cameroun. On en parle beaucoup comme une tendance, comme l’expression d’une hype qui bientôt entrera dans sa période de déclin et à laquelle on ne pensera même plus, à l’image du « Gangnam Style ». Seulement, l’enthousiasme et l’engagement des entrepreneurs camerounais laisse optimiste quant à la continuité de ces investissements sur la fabrication des produits locaux, et qui plus est de qualité.

Avant d’aller plus loin, c’est quoi le Made In Cameroon ?

Pour Commencer, le « Made In » est un terme qui est employé pour indiquer le pays dans lequel est fabriqué un produit, une marque déposée qui précise l’origine du  produit.

Le Made In Cameroon est à la fois un label et une expression qui renvoie aux produits de fabrication locale, quel que soit le secteur d’activité. D’emblée on limite ce label aux produits cosmétiques, agroalimentaires, et textiles à l’instar des vêtements et  accessoires de mode. Pourtant on peut très bien y intégrer les produits musicaux, la papeterie – où d’ailleurs on assiste à la fabrication du papier à base de la jacinthe d’eau -, les produits médicaux – qu’il s’agisse de médecine traditionnelle ou occidentale  -,  mais aussi les conceptions dans le numérique et l’électroménager.

L’identification d’un produit en tant que « Made In Cameroon » n’est pas hasardeuse, tout comme elle ne l’est pas ailleurs. Dans un article paru sur Starter Mag  en novembre dernier, la délicate Linda Ngollo a tenu à apporter cette précision.

« L’absence de critères communs prédéfinis nous plonge dans un imbroglio assez subtil. Par exemple: si j’importe un produit semi-fini et le conditionne au Cameroun en y ajoutant la fameuse mention Made In Cameroon, mérite-t-il toujours d’être considéré comme tel ? Ou encore si je me contente de m’approvisionner en matières premières sur place et que je transforme à l’extérieur ? Si des produits ont été transformés hors sol camerounais malgré un approvisionnement en matières premières, faire la promotion de leur consommation va en totale contradiction avec le Consommer Local, qui par essence implique une production/transformation locale. En France par exemple, il est établi que 45% du processus de fabrication doit se faire sur le territoire français afin de pouvoir être estampillé Fabriqué en France. Au Cameroun c’est l’obscurité quasi totale, car il semblerait que chaque entreprise a les siennes. »

L’expansion du Made In Cameroon : plus de produits, plus de promotion, plus de questionnements

Un tour furtif sur les réseaux sociaux permet de remarquer une mise en avant prééminente des produits Made In Cameroon (MIC) par les camerounais. Les plus optimistes encouragent ces initiatives d’investissement et de promotion. Tandis que les plus sceptiques, ou tout au moins précautionneux, interrogent sur la qualité des produits mis en avant. Alors : de la bonne ou de la daube?

Les références au sujet des produits MIC présentent rarement le problème de qualité des produits mis à la portée des consommateurs.

Ici les plus concernés sont ceux du cosmétique et de l’agroalimentaire qui ont directement trait avec la santé. En cosmétique on se rassure d’abord que le produit ne viendra pas nuire à des peaux déjà suffisamment malades ou fragiles, le décapage et l’acné terrifiantes pour la vie de ces dames, mais aussi de ces hommes, ouais !

Et dans l’agroalimentaire la mode est aux produits sains, pauvres en matières grasses. Dans les deux cas, deux exigences qui se confondent sont souvent demandées. Ce sont le caractère naturel et le caractère bio. Elles se confondent car dans l’imagerie populaire ce qui est naturel est bio. Les deux diffèrent, comme vous pourrez le constater ici.

La qualité du produit, particulièrement dans les domaines suscités ne pose vraiment pas un problème à l’observation des retours faits par les consommateurs après les avoir testé. Sur Twitter cela est d’ailleurs très flagrant, Instagram et Facebook infirment difficilement ce constat.

https://twitter.com/Mr_Kenmo/status/979309089326096384

De même, les entrepreneurs font de leur mieux pour communiquer sur leurs activités, démontrer au public qu’il peut vivre essentiellement de ce qui se fait localement. Même si cela demande parfois plus lourd.

Horloge en bois
Horloge en bois, par Caly Calyté

Questionnant sur les produits locaux que les gens ont eu à consommer, à apprécier, et peuvent recommander à d’autres personnes, les réponses ne se sont pas faites prier.

https://twitter.com/Mlle_Rox/status/979093008938397698

Des réponses on peut déduire que le thé Lipton sort des habitudes locales, et ce n’est qu’un cas parmi d’autres. Dans le vestimentaire l’heure est aux retours aux sources, à l’africanité :

  • Les vêtements sont cousus et embellis aux sauces esthétiques traditionnelles ;
  • Les jus de fruits naturels sont pressés sur place ;
  • Le beurre de cacao et son homologue de karité n’ont jamais été aussi populaires…

Aux produits classiques fraîchement sortis de la terre ou cueillis des arbres présents dans les marchés en plein air s’ajoutent d’autres, animés d’un élan de modernisme.

Les produits sont plus nombreux et s’étendent sur plusieurs secteurs. Si leur qualité ne pose pas de problème, il existe d’autres bémols. Dans le numéro spécial de C’Koment Magazine portant sur le Made In Cameroon, un décryptage est fait à ce propos par Ulrich D’POLA KAMDEM,  Économiste-Banquier; analyse où il affirme que les produits MIC ne sont pas encore suffisamment vulgarisés dans les grandes surfaces commerciales. Cela est principalement dû a une offre qui répond rarement à la demande.

« En effet, le Recensement Général des Entreprises (RGE, 2009) réalisé par l’Institut National de la Statistique (INS) du Cameroun montre que les Très Petites Entreprises (TPE) forment 85% du secteur de l’industrie camerounaise contre seulement 2% pour les Grandes Entreprises (GE). En rappel, les TPE emploient moins de 5 personnes et réalisent un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 15 millions FCFA (selon la classification de l’INS Cameroun) » explique-t-il. Le nombre réduit de la main d’œuvre par entreprise appelle à un taux de production très limité, et donc une couverture limité de la demande qui pourtant se fait souvent grande.

Au-delà de la production l’on relève des bémols liés à la commercialisation des produits même. Il s’agit notamment du packaging et de la communication commerciale (qu’elle soit fait sur le digital, via les médias traditionnels, ou alors sur le terrain).

https://twitter.com/Mr_Kenmo/status/979309550464589825

Des produits frais dans les grandes surfaces

Généralement quand on parle de produit MIC, on visualise plus les produits en package. Des produits bien emballés pour éviter tout souci d’insalubrité. Ce principe l’emporte aussi dans l’agroalimentaire où désormais tout ou presque est emballé ou mis en boite. En la matière on distingue une entreprise qui se consacre rigoureusement à cela : Kenza Market.

Résultat de recherche d'images pour
Kenza Market

Les épices, les légumes et fruits frais font leur entrée progressive dans les grandes surfaces. Ajoutés à cela nous avons aussi les tubercules. Dans ce sens, Carrefour Market qui s’est récemment installé au Cameroun accorde une grande place aux produits locaux. Il s’agit désormais d’une nécessité que de mettre sur le marché, notamment dans les grandes surfaces des produits  d’essence camerounaise. Encore plus dans l’agroalimentaire car le Cameroun est terre d’agriculture.

L’image contient peut-être : nourriture
Carrefour Market, mise en avant des produits alimentaires locaux. Source : Joel Wadem, Facebook

L’apport des politiques publiques

A ce niveau l’Etat camerounais s’est conformé à la mouvance internationale. Il propose, par la voix de son chef de l’Etat, de « consommer  ce que nous produisons et de produire ce que nous consommons« . A cet effet des initiatives ont été prises au niveau public et au niveau privé.

Au niveau public, par exemple, le FESTICOFFEE (Festival International du Café du Cameroun) est organisé depuis 2012 par le  Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café et le Ministère du Commerce. Cet évènement national donne l’occasion de déguster dans plusieurs régions, les saveurs du café produit au terroir.

Au niveau privé, nous avons  l’association Fiers de Consommer Made In Cameroun (FCMC) qui  s’est donnée pour mission la sensibilisation des compatriotes à la consommation des produits locaux qui serait le  gage de la croissance économique du pays. Pareillement, les événements culturels et d’affaires comme la foire FOMARIC, le salon PROMOTE, ou la foire YA-FE sont des plateformes qui permettent de promouvoir les savoir-faire  locaux.

Tout ceci est bien, mais à parfaire et  consolider

Comme souligné plus haut 85% du secteur industriel camerounais est constitué des Très Petites Entreprises (TPE). Leur portée est donc donc très limitée dans la proposition d’une offre apte à satisfaire la demande. Il faudrait donc plus d’apports financiers à ces entreprises pour augmenter leur capacité de production. Ces apports pourraient s’obtenir par partenariats avec d’autres entreprises plus grandes, ou alors en requérant de l’appui financier de la part de structures adéquates. Si nous voulons que les produits camerounais soient plus consommés par le public, il va falloir les rendre accessibles et cela passe par une production pouvant satisfaire la demande.

Que pensez vous du concept du « Consommons local » ? Partagez et discutez des défis et impacts en commentaire.

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Rechercher

Aller à la section