Le 04 juin 2017, le plus jeune président de l’Afrique aura 45 ans.
Il est venu au pouvoir dans des circonstances plutôt favorables à sa candidature. Rien de vraiment inspirant. Ce qui l’est, en dehors de toute considération franco-africano-politique, c’est l’ascension d’Emmanuel Macron, nouveau president de la République française. Sa vie est une histoire formidable, qui vaut la peine d’être racontée.
En Afrique, la jeunesse africaine regarde avec envie cette success story comme une situation plus qu’exceptionnelle, pour des raisons simples.
- Sur les 05 présidents les plus âgés de la planète, 03 sont africains.
- Robert Mugabé, 93 ans est president le plus vieux de la planète terre. Il est candidat à sa propre succession en 2018. Ce qui est drôle c’est qu’on sait tous qu’il sera élu à moins d’un élément très perturbateur.
Plus de jeunes dans la politique, c’est possible ?
L’âge minimum d’éligibilité dans les pays Africains varie entre 35 et 40 ans. Au Togo et au Cameroun, l’âge minimum pour être président est de 35 ans. Au Nigeria, 40 ans. En France, c’est 23 ans pour la présidence et 18 ans pour l’assemblée. Au Bénin, si vous n’avez pas 40 ans au moins, vous ne serez jamais president. Et si vous n’avez pas 25 ans au moins, vous ne serez jamais député.
Au Bénin, si vous n'avez pas 40 ans au moins, vous ne serez jamais president. Share on XIl faudrait des réformes constitutionnelles ( qui prêteront sûrement à polémique) pour créer les conditions légales pour l’avènement d’un Macron Africain, élu dans les règles de l’art par processus démocratique. En outre, la politique a mauvaise presse auprès de la jeunesse africaine qui lorsqu’elle n’y voit pas une occasion de s’enrichir facilement, la considère comme un gigantesque cloaque. L’atmosphère socio-politique nationale en est donc moins progressiste et moins adaptée aux réalités de la majorité de sa population. Les ambitions politiques pures sont donc rares. Les chances de réussite encore plus. Comment convaincre les populations que « malgré » votre jeune âge et éventuellement, votre célibat, vous saurez les conduire vers de meilleures destinations ? Comment être légitime quand l’expérience rime encore avec âge avancé ? L’alternance politique est également une condition sine qua non à l’éclosion de talents politiques. Si le jeu politique est inexistant, si la vie démocratique est un leurre et si la politique elle-même se résume à des querelles inter-personnelles, comment pourrait-on susciter des Macron Africains ?
L’âge de M. Emmanuel Macron n’est pas un mérite mais…
…c’est un signal fort dans nos sociétés gérontophiles où être jeune est souvent un désavantage. Le monde est divisé entre les « jeunes » et les « vieux ». L’Afrique l’est 10 fois plus, en raison de nos cultures où le droit d’aînesse est un principe fondateur. Ce droit prime parfois sur la raison. Nous apprenons très tôt à respecter, sans souvent y penser, l’âge. Beaucoup de discriminations en naissent : comme se voir refuser un job pour son jeune âge, subir les stéréotypes négatifs sur la jeunesse, ne jamais être pris au sérieux, être toujours infantilisé, et condamné en permanence pour ses choix. La fracture entre les deux générations est souvent telle qu’on en arrive à une équation simplette : Les vieux, c’est la tradition. Les jeunes, c’est l’apocalypse.
Les vieux, c'est la tradition. Les jeunes, c'est l'apocalypse. Share on X.
Même dans les medias, nous n’existons pas
On ne parle pas assez des jeunes Africains inspirants qui changent chaque jour leur pays. La politique occupe beaucoup de place encore dans l’actualité nationale. Même si la vague entrepreneuriale et les nouveaux medias ont créé beaucoup de jeunes héros africains, les médias traditionnels encore très présents suivent difficilement la tendance. Pourtant, ce sont eux qui forgent encore une grande partie de notre imaginaire et notre mentalité. On attend parfois 30 ans comme une autorisation à aspirer à la grandeur. On se dit qu’on est trop jeune pour ceci ou pour cela. Nous ne rêvons pas assez grand, en avons-nous le droit ? Ceux que nous célébrons en tant que société sont souvent loin de nous refléter.
On attend parfois 30 ans comme une autorisation à aspirer à la grandeur. Share on XEt puis, un jeune qui réussit c’est encore suspect
Internet a ajouté du sel à la sauce des stéréotypes. Si vous n’êtes pas accusé de trafic de drogue, on fera de vous un cybercriminel pour peu que vous passiez trop de temps avec votre ordinateur. La croyance populaire voudrait que la réussite soit un chemin qu’on atteint qu’à un « âge mature ». La jeunesse est un crime dont nous payons le prix jusqu’à passer de l’autre côté. Les préjugés ne seront défaits que par l’exemple.
Etre jeune, ce n’est pas être un incapable
Qu’est-ce qui compte le plus ? Le chiffre ou la compétence ? Beaucoup de paradigmes sont à redéfinir. De la manière dont nous concevons la jeunesse aux conditions pour l’exercice du pouvoir politique. Il faut plus de personnes qui défendent leurs convictions, partagent leur vision et ont le courage de leur opinions. Il est aussi important de parler d’eux pour en inspirer d’autres.
« Les jeunes ne sont pas les leaders de demain, ce sont les leaders d’aujourd’hui. » Justin Trudeau, Premier ministre Canadien
La solution reside dans le travail et l’audace de la jeunesse. Même si le système ne semble pas vouloir de nous, nous pouvons toujours créer nos propres systèmes par de petits hacks. Emmanuel Macron s’est présenté en indépendant et contre toutes les prévisions, il a réussi à devenir Président de la République, en un temps record. C’est une situation exceptionnelle qui peut être reproduite pour peu qu’on en crée les conditions. Cependant, Macron ne sera pas un bon président parce qu’il est jeune. D’ailleurs, le pouvoir érodera bien vite ses traits. Il sera un bon président s’il fait bien le travail que le Peuple français lui a confié ce dimanche 7 mai 2017. Mais il est déjà la preuve que c’est possible de le faire. Et ça, ça compte énormément.
Alors, quand aurons-nous notre Macron, sauce africaine ? Le débat est ouvert.
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