Régis Bamba, l’entrepreneur qui n’avait plus d’ego

Régis Bamba rêvait de devenir astronaute. 

Mais pas vraiment pour contempler l’espace ou découvrir les autres planètes. Aussi étrange que cela puisse paraître, Régis rêve de l’infiniment grand pour mieux se savoir infiniment petit. 

L’entrepreneur a levé plus de 9 milliards, gère plus de 150 employés avec des millions d’yeux rivés sur lui. Mais l’homme derrière est en lutte constante contre les vanités de son monde. Valorisation, richesse, succès n’ont pas de sens pour lui. Ce qu’il veut, c’est laisser derrière lui un héritage fait d’impact, de valeur et de dépassement de soi.

S’il semble n’avoir plus peur de rien, c’est parce qu’il a déjà tout perdu. Pas une fois, pas deux fois. Plusieurs fois. Toutes ces fois, il s’est remis à rebâtir grâce aux armes qui lui sont propres. 

Parce qu’il connaît le goût âcre de l’échec, il a créé sa propre recette du succès que je vous invite à découvrir.

On a l’impression que tu fais très attention à ton ego 

Ce n’est pas que je fais attention. Mon ego a complètement disparu. 

Quand tu es un entrepreneur qui crée surtout des solutions technologiques ou quand tu es un gars de produit comme moi par exemple, il n’y a pas de place pour l’ego. Ça demande énormément d’empathie de se mettre à la place du client de façon constante. Que ressent-il ? Comment ça se passe ? Ce qui me drive dans la vie, et j’en parle tellement, c’est l’impact. Quelle est la valeur que je crée, l’héritage que je laisse. 

Après, l’égo, je suis sûr qu’on en a tous sous une forme. Mais ce que je vais posséder, ce que je vais avoir, honnêtement, ce n’est pas ça qui va me motiver. Aujourd’hui, je peux perdre pratiquement tout ce que j’ai comme argent. Ça va me piquer un peu, mais franchement, je ne vais pas en mourir. Pourquoi ? J’ai ce degré de confiance-là où je sais que je peux repartir de zéro et reconstruire tout ce que j’ai perdu parce que j’ai développé cette capacité à avoir de l’impact, à créer de la valeur. 

C’est ça qui m’intéresse. Ce ne sont pas les choses matérielles ou la position par rapport à l’autre. Ça va, ça vient, ce n’est pas quelque chose qui dure.

Hassan, mon associé, s’occupe de la partie administrative, juridique, les relations avec les investisseurs. 

On est complémentaires. Chacun sur son domaine de prédilection, on ne se marche pas sur les pieds. Même dans la façon dont on fonctionne en tant qu’associés, on a un principe, se référer à la personne qui a le plus de compétences dans le domaine. Sur certains sujets de discussion, on laisse la décision à celui qui a le plus d’expérience sur ça. Et puis quand on ne tombe pas d’accord, on regarde la data. 

Mais Hassan Bourgi et moi, on a surtout des valeurs sur lesquelles on ne badine pas, comme le respect. Ici, tu dois respecter tout le monde parce que chacun apporte sa pierre, sa contribution à l’édifice. 

Et puis, il y a la communication. Il faut vraiment parler, se dire les choses, être transparent.

Est-ce qu’il y a des moments où vous avez envisagé de vous séparer, ton associé et toi ?

Curieusement, jamais. En 4 ans, on n’a jamais eu de clash. 

On a eu des moments difficiles pour l’entreprise où il voulait aller dans une direction et moi, dans une autre. Mais on a toujours utilisé le même principe que celui dont j’ai parlé. 

Hassan, c’est un gars formidable. Il n’aime pas beaucoup les caméras. Et Djamo, à la base, c’est son idée. Il a grandi en Côte d’Ivoire et on était curieusement dans le même quartier, sans se connaître. Après, il est allé en Espagne où il a fait ses études universitaires. Ensuite, il est allé au Pérou, il a créé une startup de vente des tickets de bus. Et ça a marché, il a revendu cette startup et il a voulu rentrer en Afrique. Quand il est rentré, il a voulu ouvrir un compte bancaire, il a vu la friction et il s’est dit que ça peut être un challenge à résoudre. Comment créer de meilleurs services financiers pour les jeunes en Afrique ? Ici, tu as à peu près 20 % de gens qui ont accès aux services bancaires et donc 80 % pour qui c’est difficile. Donc, il s’est mis à chercher un associé. 

Il a cherché longtemps, avant de me rencontrer. J’étais son 3ème choix. Il m’a envoyé un message sur Linkedin “J’ai cette idée sur laquelle je travaille, est-ce qu’on pourrait en parler ?”. J’ai répondu oui, allons prendre un café. 

C’était en 2019, je venais d’avoir 33 ans. 

L’âge où Jésus est mort. Je me rappelle qu’à mon anniversaire, j’avais fait cette blague en disant qu’il fallait que je passe rapidement à 34. À l’époque, je travaillais chez un opérateur télécom depuis 5 ans dans les services Mobile Money. Je voulais me rediriger vers la banque. J’ai postulé mais on ne me prenait pas. Je me suis dit qu’il fallait peut-être avoir un diplôme, trouver un réseau. Je voulais donc intégrer une bonne école comme Havard, MIT ou Stanford. Puis, je croise Hassan et ça fait “clic” dans ma tête. J’avais cette envie de créer, lui, il avait cette idée. 

On se rencontre et 3 jours plus tard, je dépose ma démission.

N’était-ce pas précipitée, cette démission ? On aurait dit que tu jouais à la roulette russe.

C’était ça. À l’époque, tout le monde, pratiquement, autour de moi m’a dit “N’y va pas. Ne prends pas ce risque”. Mais j’avais cette envie de toucher à ce problème d’inclusion financière et bancaire. Pour moi, c’était soit je le fais maintenant sous cette forme, soit je rate ma chance. Qu’est ce qui pouvait arriver si j’échoue ? 

Et je reviens encore à cette notion de confiance en soi où je sais que je suis capable de créer de la valeur. Bah, si j’échoue, je recommence. Je ne vais pas avoir faim. J’ai quelques économies. J’ai les compétences. J’ai les connaissances. Si j’échoue, je me relève et je repars. 

Ce qui m’avait fait un peu hésiter à l’époque, c’est que mon fils venait d’avoir un an. Mais après, il était encore jeune. Si j’échoue, il va manger du gari, ça peut aller ( rires ). 

Donc, j’ai déposé ma démission, réduit mon train de vie. Avant, je sortais beaucoup, j’avais des amis et tout. Pendant 2 à 3 ans, je me suis coupé du monde social pour me concentrer sur Djamo. 

Ce n’est que maintenant que je recommence à sortir.

L’histoire des 9000 F, c’était vrai ? 

Très vraie. La frustration était réelle. J’avais besoin d’un document bancaire et en face, j’avais cette nonchalance et cette personne qui ne voulait pas s’occuper de moi. Donc quand j’ai rencontré Hassan, je comprenais le problème qu’il voulait résoudre pour des millions d’autres jeunes en Afrique. 

Donc Djamo, c’était le bon moment, le bon cofondateur et le bon endroit. La Côte d’Ivoire.

La Côte d’Ivoire, très bon marché. Hassan, super personne, très intelligente. Et moi même, avec mes compétences. 

Si je ne faisais pas ça, à quel moment j’allais prendre ce risque ? C’est difficile pour les gens qui ne sont pas entrepreneurs de voir ça. Tout le monde me disait “ne le fais pas”. Il y a un collègue qui m’a d’ailleurs dit “Tu vas perdre tes avantages Internet gratuit”. C’est pour te dire à quel point les gens sont obnubilés par ce qu’ils ont. 

Ce que Hassan et moi, on a en commun, cette capacité à se détacher des choses matérielles. Une fois que tu n’as plus peur de perdre ces choses, tu peux prendre énormément de risques avec ce que tu fais et ça paie. Tu peux échouer mais ça peut payer.

Aujourd’hui, ton risque a payé. 

Je vis actuellement la meilleure période de ma vie. 

Je suis tellement challengé que je grandis. En tant que personne humaine, avec tous ces gens autour de moi, les collaborateurs et tout ça, je le vois. Les compétences que j’acquière sont incroyables. Ça n’a rien à voir avec ce que j’aurais fait en business school. 

Djamo, c’est la pratique. Ce qui est encore plus gratifiant, c’est de voir l’impact réel sur la vie des gens en termes de valeur. Ça ne se passe pas tout le temps bien, mais ce n’est pas grave. Il ne faut pas se focaliser sur le point, mais voir la trajectoire qu’on prend, d’où on est parti et avoir cet idéal vers lequel on progresse. 

C’était un risque nécessaire, car le succès de beaucoup de talents et d’entreprises dépend de celui de la FinTech. 

En Afrique Francophone, on a ce problème d’infrastructure qui n’est pas totalement complète. Et qui dit problème, dit opportunité. Les startups qui arrivent à résoudre ce problème vont créer énormément de valeur. Elles vont déclencher un tsunami où d’autres pourront venir se mettre au-dessus de leur solution pour créer encore plus de valeur. C’est vrai que c’est difficile. Mais il faut des gens pour prendre ces risques. Il ne faut pas être cynique, il ne faut pas abandonner. Ça va venir. Je suis très confiant pour l’avenir de la FinTech et même l’avenir numérique en Afrique francophone. 

Tes parents travaillaient beaucoup et ont beaucoup sacrifié pour t’offrir la vie que tu as aujourd’hui. Est ce que tu penses quelque part avoir manqué de leur attention ?

Je l’ai ressenti un peu plus avec ma mère. 

Mes parents ont divorcé très tôt. J’avais huit ans. Je vivais avec ma mère et mon frère. Ma mère travaillait énormément et oui, j’ai ressenti ce manque-là. Elle n’était pas là. Mais après, j’ai compris. Elle se donnait à fond pour qu’on ait le confort absolu. Avec le recul, j’ai compris. Du coup, j’essaie justement aujourd’hui avec mon fils d’être le plus possible, présent pour lui. Ça a formé la personne et le papa que je suis.

Par contre, l’une des choses que j’ai apprise d’elle, et même de mon père aussi, c’est le travail. C’est le travail qui fait l’Homme. Il faut travailler sans tricher. Même aujourd’hui avec mes collaborateurs. Si tu triches, je ne peux pas travailler avec toi. On ne peut pas être ensemble. 

J’aime l’effort sincère. Si tu essaies que tu n’y arrive pas, ce qui est le plus important pour moi, c’est que tu fasses cet effort sincère. C’est très important pour moi. Ça a façonné la façon dont je suis et la façon dont je travaille.

Les gens me disent c’est parce que je suis une personne intelligente. Ce n’est pas vrai. Le truc, c’est que je travaille énormément. Je ne triche pas. Je vais fouiller, je vais vraiment faire le truc qu’il faut faire. 

À la longue, ce genre d’attitude paie. Surtout si tu es dans une dynamique où tu essaies de t’améliorer. Tu vas fournir des efforts, tu vas échouer 1000 fois, mais il y a une 1000 et une fois où tu vas réussir et ça va payer.

Avant que d’entrer dans le monde du salariat, tu as été un entrepreneur qui lui aussi avait échoué 

J’ai fait deux startups où j’ai échoué. Ça fait vraiment mal, un échec, tu vois ? C’était assez difficile. 

C’était en 2011. Juste un peu après la crise en Côte d’Ivoire. Tout était un peu bizarre mais les choses se remettaient en place. Après mes études, je suis allé au Nigeria, avec un ami et ancien camarade de classe. On a créé une start up d’e-commerce où on mettait en relation des commerçants avec des fabricants. Dans cette chaîne de valeur, les distributeurs prennent en général une grande partie de l’argent. Notre idée à nous c’était de supprimer les distributeurs pour passer cet argent aux commerçants. On développe la startup, on recrute des gens, deux ingénieurs et on claque de l’argent dans le lancement. On fait des trucs grandioses. Ça ne se passe pas bien. Après un an, on échoue car il n’y a plus d’argent. Le projet tombe à l’eau. Moi, je rentre en Côte d’Ivoire. Je me dis que je vais essayer une autre startup. 

Donc je reprends, cette fois dans les services numériques, pour permettre à toute personne de géo-localiser son bien mobile de la façon la plus rapide possible. J’avais eu cette idée parce que mon père s’était fait arracher son véhicule à l’époque. Il était très triste et j’ai voulu créer une solution. On développe la solution, elle marche. L’application s’appelait Taxi Tracker. On a eu 50 000 téléchargements. On avait même eu des clients entreprises. Un jour, j’ai été approché par une entreprise qui voulait se lancer sur le marché ivoirien et qui me parle d’acquisition et donc moi je perds mon focus. J’ai entendu “acquisition”, et je me suis vu riche. Mais l’acquisition ne se passe pas bien. L’entreprise lance son truc, sans nous. Nous on est là, on n’a plus rien. J’avais perdu mes clients, l’application ne fonctionnait plus et la startup a fait faillite. 

C’était l’une des périodes les plus difficiles de ma vie. 

Après ça, je me suis remis en question. Je me suis dis que peut-être je ne connaissais rien, peut-être que j’étais nul. J’étais au plus bas. C’est là que j’ai décidé d’aller en entreprise pour apprendre comment les choses se font, et être un peu plus patient. C’est ainsi que je suis entré chez cet opérateur télécom où j’ai passé cinq années, et où j’ai travaillé sur des produits assez intéressants.

Ce sont donc ces échecs-là qui t’ont fait réaliser que la vanité était un péché capital pour l’entrepreneur ? 

Ce dont je me suis rendu compte, c’est que la motivation pouvait être propulsée par les mauvaises choses. 

En l’occurrence, si c’est l’argent qui te motive, si c’est la renommée qui te motive, je pense que c’est très difficile de réussir en tant qu’entrepreneur. Tu peux y arriver, mais c’est très difficile.

Je ne dis pas que c’est un péché d’avoir de la vanité, d’avoir de l’ego. Absolument pas. On est tous comme ça. Mais moi, mon focus, c’est ce que je suis en train de créer pour le client. Quelle est la valeur ajoutée ? Est-ce que c’est structuré de façon pérenne ? Qu’est-ce qui me motive ? Qu’est-ce qui fait que je me lève chaque jour ? Si c’est ce que j’ai dans mon compte bancaire, ça ne va pas durer. Parce que ça, ça peut partir. Si c’est ce que les gens pensent de moi, ça ne va pas durer parce qu’à la première faute, les gens te descendent. Par contre, si c’est l’impact que je suis en train de créer, là, ça me motive. 

Même dans les moments difficiles où j’ai l’impression que tout va s’écrouler, c’est vers cette lueur d’espoir que je me dirige. Parce que je sais que si je continue de pousser, je vais arriver. Je vais y arriver et avoir de l’impact sur la population. Et c’est tout. 

C’est vraiment ça qui a changé depuis lors. Je me concentre sur ce que je crée pour le client et l’héritage que je suis en train de laisser. Et ce que tu crées pour le client, encore une fois j’insiste sur cet aspect, il faut que ce soit pérenne. Il faut que ce soit vraiment durable. Je ne viens pas juste pour créer quelque chose qui va disparaître demain, mais pour créer quelque chose qui est structuré de sorte à ce que ça dure, que ça rapporte de l’argent, que ça paie des salaires, que l’entreprise tourne et soit en perpétuelle amélioration. 

Quand je suis dans cette dynamique là, je n’ai pas peur d’échouer et surtout, j’arrive à traverser les moments difficiles de la vie d’entrepreneur.

Quel a été le moment le plus difficile dans Djamo, où tu as cru que tout était fini ? 

Il y en a eu mais je ne pourrais pas en parler. 

Ce n’était pas de grosses crises qui allaient tuer l’entreprise mais qui pouvaient éventuellement le faire si on ne réagissait pas. Mais, oui, il y en a eu énormément de ces moments où on s’est dits “Franchement, là, c’est dur”. 

Le fait que tu voies éventuellement la mort de ton entreprise, ça peut te paralyser. Tu peux avoir très peur et te dire c’est fini. Mais si tu gardes la tête froide et que tu réagis, ça passe. 

Ce qui a fait la différence, c’est notre résilience. C’est pour ça que je suis tellement heureux de faire ce projet avec Hassan car il est quelqu’un d’incroyablement résilient et surtout qui garde la tête froide. Quand je regarde tout ce qu’on a traversé, c’est la première chose qu’on ait faite. Garder la tête froide et se dire “on peut mourir, mais ce n’est pas la fin du monde”. On va proposer des solutions, essayer chacune de ces solutions, mesurer et s’améliorer. C’est l’approche qu’on a eue à chaque fois.

Je dis souvent que pour créer une FinTech en Afrique, il faut avoir un cœur de lion, Ça fait vraiment peur. Tu peux tout perdre du jour au lendemain. Si tu ne fais pas les choses, si tu ne fais pas attention. Justement, plus tu traverses ces périodes, plus tu t’accroches à autre chose qu’à des trucs de vanité. Tu vas t’accrocher à tes clients, à leur satisfaction.

Est-ce qu’il y a eu des moments où tu te réveillais avec l’envie d’abandonner ? 

Ça ne m’est jamais arrivé avec Djamo. Mais dans mon passé. Quand tu postules à des jobs où tu n’es pas pris, tu te remets en cause. Même avec mes entreprises passées, c’était pareil. Curieusement à Djamo, il n’y a pas eu un jour où je ne me suis pas levé content d’aller au travail. La preuve, je suis là tous les jours à 6h 30. 

J’adore ce que je fais, et je suis très reconnaissant à Dieu et surtout à mes collaborateurs. On est dans une sorte d’état où l’entreprise se porte très bien. Et surtout, on a une confiance en nous qui est énorme. On sait que quel que soit le challenge qui va arriver, on a 165 personnes qui sont hyper qualifiées, hyper intelligentes, qui vont pouvoir prendre ce problème et essayer de le résoudre. 

On a traversé les moments difficiles de Djamo. Aujourd’hui, l’état dans lequel on est, c’est l’un des états les plus fun pour un founder. Parce que là, tu prends un peu plus de hauteur, tu travailles un peu plus sur la stratégie, et tu as des gens compétents qui t’aident à la déployer.

Raconte le mois où il a fallu prouver à Y Combinator que Djamo méritait de rejoindre l’accélérateur.

YC, c’est l’un des meilleurs accélérateurs de la Silicon Valley. C’est très difficile d’y entrer. Le taux d’acceptation est de 1 %. C’est beaucoup plus difficile d’y rentrer que d’entrer à Harvard. 

L’histoire de YC a commencé quand on a voulu lever des fonds. Quand on a démarré Djamo, on s’est rendu compte qu’il fallait énormément d’argent pour le faire fonctionner. 

La FinTech, c’est un secteur très régulé. Quand un client dépose 1000 francs sur son compte, ce sont 1000 francs qui sont bloqués sur un autre compte bancaire auquel Djamo ne peut pas toucher. C’est comme ça que le régulateur garantit que les fonds restent. Donc toi, tes 200 millions de francs CFA que tu as levé pour faire fonctionner ton entreprise se retrouvent sur un compte bloqué parce que tes clients ont déposé la même somme sur leurs comptes. C’est comme ça que le régulateur garantit que si Djamo fait faillite, le client ait toujours accès à son argent. Parce que tu n’es pas une banque.

Quand ton produit devient populaire, tu as besoin d’ argent pour garantir les fonds de tes clients. Cet argent pour garantir les fonds des clients s’appelle le “Working Capital”. Et c’est un sujet difficile pour les FinTech. 

On a remarqué ce problème assez rapidement. Surtout parce qu’il y avait énormément d’engouement autour du produit avant même le lancement. On s’est mis alors à lever des fonds. Hassan a un réseau vraiment formidable qui nous a permis de sécuriser le pre-seed de 200 millions de FCFA. Juste après, on devait aller vers les investisseurs un peu plus grands, pas des business angels, pour lever à peu près 2 millions de dollars pour pouvoir financer le démarrage. 

On avait des difficultés parce que tous les investisseurs nous disaient qu’il y avait des marchés plus intéressants que la Côte d’Ivoire comme le Kenya, le Nigéria où au moins on sait qu’il y a des start-ups qui marchent. Déjà quand tu as une startup qui vient d’un pays où l’on ne parle pas anglais, tu as le discount de la langue. C’était en 2020, et il y avait aussi d’autres incertitudes comme les élections, le Covid, etc. Avec tout ça, on s’est dit qu’il valait mieux entrer dans les meilleurs réseaux d’investisseurs au monde. Au moins, grâce à cela, on aurait un premium, un cachet sur la boîte, ce qui rendrait les choses beaucoup plus faciles. 

C’est comme ça qu’on postule à Techstars et à Y Combinator. On a été pris à Techstars mais on leur a dit qu’on était aussi en train de postuler à YC, et que si on était pris, on allait malheureusement y aller. À YC, le processus, c’est de postuler, et si tu es retenu, de passer l’entretien de 10 minutes où ils te bombardent de questions. Tu dois arriver à les convaincre en 10 minutes que tu as le potentiel. 

Notre entretien à nous ne se passe pas bien. Du moins, c’est ce que j’ai pensé après. On n’arrivait pas à placer un mot. Je n’avais pas l’impression de bien répondre aux questions. 10 min c’est court quand tu veux prouver que ton produit va marcher. Il était 23h, et j’étais fatigué. Pour moi, c’est que c’était mort. 

Mais curieusement après, on reçoit un mail qui n’était pas un refus, mais qui n’était pas un OUI non plus. YC nous a demandé de prouver sur le prochain mois qu’il y avait de la traction pour cette idée.

L’idée par laquelle a démarré Djamo, c’était la carte prépayée. C’était un produit populaire, plus ou moins facile à implémenter et qu’on pouvait disrupt en apportant énormément d’améliorations. À l’époque, pour recharger une carte prépayée, tu devais aller faire le rang à la banque. Notre innovation était de simplifier l’expérience utilisateur. On n’essaie pas d’être trop gourmands sur les prix. On se focalise sur l’expérience client : la livraison, le confort et une bonne prise en charge du client quand il avait un problème. 

Mais à son lancement en 2020, Djamo n’avait pas encore totalement ce produit. On venait de finir ce qu’il fallait faire pour pouvoir avoir les cartes. L’application était prête mais il ne manquait que les cartes, qui avaient été bloquées à l’aéroport à cause du Covid. On a créé le projet “Get out of the Building”. On voulait voir ce que les gens pensaient de notre produit avant le lancement. Hassan a eu l’idée de créer un site internet comme si le produit existait, avec une liste d’attente et on y a mis la proposition de valeur de Djamo. L’être humain est bizarre. Quand tu l’empêches d’avoir quelque chose, c’est là qu’il est motivé. Parce que ça a marché. Le premier jour, nous avons eu 1000 personnes inscrites sur la liste d’attente et ça a été très viral. À terme, on a eu plus de 50 000 personnes sur la liste d’attente.

En général, les gens mettent juste des formulaires sur leurs sites comme liste d’attente. Nous, on a développé la liste d’attente comme un produit. C’était un vrai produit spécifique, avec un parcours client élaboré et très fluide. Quand le client s’inscrit, il reçoit un SMS qui le renvoie directement sur le site et ça lui permet de voir ce qu’allait être Djamo. En plus, chaque personne pouvait gagner 1000 F pour chaque autre personne invitée. Ces ingrédients ont fait que ça a été hyper viral. 

Quel a été le coût d’acquisition avec cette stratégie ? 

Les 1000 F, on les donnait uniquement lorsque la personne invitée avait sa carte. À la longue, on s’est rendu compte que le coût d’acquisition était inférieur à ces 1000 F. C’était mieux de dépenser de l’argent dans le parrainage plutôt que de faire les publicités. Parce que lorsqu’un client recommande à quelqu’un, ça nous revient moins cher, et en plus, il se porte garant que le produit est bon. C’est plus viral et ça a plus d’impact auprès des autres clients. C’est pour ça que pendant trois ans, on n’a jamais mis de panneaux dans la ville. L’argent qu’on avait, on le dépensait justement pour financer ce programme de parrainage, et faire un peu de publicité en ligne. 

On a même développé une application de logistique de livraison qu’on a offert à nos partenaires pour qu’ils livrent plus facilement les cartes. On s’est rendu compte qu’ils utilisaient des cahiers pour suivre leur liste de livraisons. Ce que ça signifiait, c’est que nos clients allaient attendre des jours avant d’être contactés par Djamo pour activer leurs cartes. Ce n’est pas une bonne expérience. On a vu ça venir et on a décidé de passer un mois à développer cette application le temps que les cartes soient prêtes. 

C’est après tout ça qu’on a été reçus en entretien avec YC, au début d’Octobre 2020. Et ensuite, on a eu un mois pour leur prouver la traction. Et c’est tombé pile poil au moment où les cartes ont été débloquées. On s’est promenés partout pour vendre les cartes. Moi, j’allais dans les supermarchés, les centres commerciaux et les entreprises. Mon pitch, c’était : “Comment tu paies pour Netflix ? Tu as une carte préparée ? Comment tu la recharges ? Tu vas à la banque ? Prends ma carte, tu peux la recharger via ton Mobile Money, en instantanée, sans jamais te déplacer, 24h sur 24” 

C’était quelque chose de nouveau, et ça a pris. On a vendu 3000 cartes pour le premier mois, avec les campagnes en ligne, la liste d’attente et tout ce qu’on a fait sur le terrain.

Qu’as-tu ressenti au moment où il a fallu annoncer à YC cette traction ? 

Avec ou sans YC, j’étais content d’avoir des clients. 3000 personnes ! Hassan, lui, voulait vraiment YC parce que ça allait nous aider à lever des fonds. Parce que c’est la partie qu’il gère. Moi, je gère les clients. 

Mais je t’avoue que le jour où on a eu le OK de YC, je me suis senti fier. On était la première startup Ivoirienne portée par des Africains Francophones à être acceptée à YC. J’étais d’autant plus fier parce que j’avais déjà postulé deux ou trois fois à YC quand j’étudiais aux Etats-Unis, avec mes idées de startup. Ça n’avait pas marché. Postuler 10 ans plus tard et être pris m’a rendu fier. 

On a coupé un gâteau avec l’équipe pour marquer ça. Depuis ce temps, chaque fois qu’on a une petite victoire, on prend le temps de la célébrer.

Quelles sont les techniques de growth marketing que tu as éprouvées et que tu recommandes sur le marché Africain ? 

L’affiliation, ça marche très bien ici. C’est organique. Le client, il aime tellement ton produit, qu’il le recommande autour de lui. Ça te permet d’acquérir des clients sans trop dépenser d’argent et surtout en dépensant utile. En tant que startup, ça te permet de décoller et de vivre pendant longtemps. Nous, on a vécu comme ça deux ans, sans faire de pub. Il n’y a pas meilleure position pour une marque que d’être recommandée par les clients.

À Djamo, on fait des expériences growth. On va tester un canal d’acquisition avec un message en particulier pour voir si ce message-là arrive à attirer plus de clients. Si c’est le cas, on remet de l’argent dedans. Aujourd’hui, on dépense des dizaines de milliers de dollars par mois dans ces campagnes. Et ça nous permet d’acquérir plus de clients. 

On aura des expériences aussi sur la rétention du client pour réduire le “Churn”. Quand il est sur le point de partir, on peut lui proposer, par exemple, un transfert gratuit. Parfois, on l’appelle pour savoir pourquoi il n’utilise plus Djamo et améliorer le produit ensuite. On utilise aussi ce canal pour valider des idées. L’équipe Growth lance des sondages pour demander au clients ce qu’il pense d’un produit. Ça nous aide à mieux le positionner et à mieux l’implémenter. 

Un autre truc qui est vraiment important, c’est l’éducation. On crée énormément de contenus dans notre stratégie Growth : que ce soit les vidéos ou le texte. Parce que nos produits sont nouveaux et ils sont sur des marchés qui ne sont peut-être pas à l’aise avec. Par exemple, nous avons 60 à 65 % de clients dont la première carte c’est Djamo. Ils vont arriver sur des thématiques qu’ils ne connaissent pas, comme les fameux frais de rejet. Les gens se plaignent parce qu’ils ne savent pas que ça marche comme ça. Donc, on fait énormément d’éducation là-dessus. Et ça permet de ramener des clients aussi.

Comment fais-tu pour rester concentré au quotidien dans un monde de plus en plus digital et rempli de distractions ? 

J’ai un Nokia 3310 pour me débloquer des smartphones, surtout le week-end. Je reçois souvent beaucoup d’appels et de messages. Et il y a ce côté addictif qui se développe facilement. Ça t’interrompt dans ton processus de réflexion. Ce téléphone Nokia me permet de faire le break et de ne pas toujours être dans le digital. Ce qui est assez paradoxal parce que je gère une application. 

Je viens aussi tôt au bureau pour avoir 2 à 3h de réflexion intense de qualité, où je peux vraiment réfléchir à la stratégie. 

J’essaie de faire des choses en dehors de Djamo. Hassan, lui aussi. J’aime beaucoup l’agriculture. Ma mère avait un potager, je tiens ça d’elle. Pour l’instant, je fais des projets à petit échelle et j’espère faire plus. 

Un entrepreneur n’a pas envie de se laisser consommer entièrement par son projet entrepreneurial. Parce qu’après, tu n’as plus cette hauteur qui te permet de prendre les bonnes décisions. C’est très important d’avoir un work-life balance au point. C’est d’autant plus important lorsque l’entreprise grandit parce qu’elle a besoin d’avoir des dirigeants qui sont bien à 360° et qui vivent une vie équilibrée. C’est ça le but ultime des entrepreneurs. Tu vas faire face à des défis qui sont incroyables et si tu n’as cette hauteur d’esprit là, c’est difficile pour toi d’y arriver. 

Avant, j’aurais fait 1000 choses parce que je n’avais pas de collaborateurs. Coder, répondre aux clients, aller vendre les cartes. Mais il fallait aller dans ce degré de détail pour comprendre comment résoudre de façon systémique les problèmes de l’entreprise. Aujourd’hui, je vais faire peut-être une ou deux choses mais elles auront plus d’impact. 

C’est ça qui est bien quand tu crées une startup, et que tu dépasses la période difficile où tu es vraiment en train de travailler chaque jour. Tu arrives à un stade où tu as recruté des gens qui sont compétents et qui absorbent avec toi. Aujourd’hui, je suis content de mon équipe car elle absorbe des trucs que je n’aurais pas pu absorber seul. Ça me permet d’avoir du temps de qualité pour réfléchir sur le long terme.

Quelle est l’organisation interne de Djamo ? Comment arrivez-vous à délivrer de nouvelles fonctionnalités, avec autant de constance et de rapidité ? 

On a juste pris le temps de construire vraiment les bases en interne au niveau de l’organisation, de mettre la bonne motivation et les bons leviers en place. 

La façon dont on est organisé en interne, c’est que tout le monde participe à l’élaboration du produit et de la proposition de valeur. Vraiment, tout le monde. C’est vraiment inclusif. On a des “Town Hall” mensuels où on présente de façon transparente la santé de l’entreprise, tous les chiffres et défis. Les gens posent des questions dures mais Hassan et moi, on y répond de façon transparente. Il n’y a pas de tabou. 

Il y aussi la façon dont l’équipe produit est architecturée. On a mis en place ce qu’on appelle des bataillons. Dans chaque bataillon, tu as des développeurs frontend et backend, des ingénieurs de data et qualité, du UX et du UI, des managers techniques et le chef produit. Chaque bataillon est chargé d’une expérience comme payer avec Djamo ou s’inscrire. Donc chaque bataillon a en charge quelques expériences sous sa coupole. 

En début d’année, on se donne des objectifs globaux d’entreprise par rapport à la croissance. On cascade ces objectifs sur chaque service de l’entreprise, y compris les bataillons. Par exemple, à tel bataillon, je dis que je veux une croissance de 10% de transfert parce que ça rentre dans le business plan. Le bataillon va y réfléchir et l’équipe décide des projets pour atteindre cet objectif. Ils ont le trimestre pour travailler. Ce qui est bien, c’est qu’ils réussissent et échouent ensemble. À la fin du trimestre, on fait l’évaluation.

Une fois que tu arrives à mettre en place ces mécanismes et que tu as un bon levier, les gens sont hyper motivés et ils arrivent à sortir des fonctionnalités comme ça. 

Mon rôle pour moi, c’est de voir si tout va effectivement dans la stratégie produit et de valider un peu ce qu’ils sont en train de faire. En tant que Chief Product Officer, tu veux quand même rester proche du produit. J’ai mon mot à dire. En général, quand ils font des propositions, je vais éventuellement donner mon OK avant que ça parte à l’implémentation. Et puis, il y a aussi l’intuition du fondateur. Tu sais plus ou moins où tu veux aller. Parce que tu as le contexte de l’entreprise, tu sais ce qui peut marcher ou ne pas marcher.

Mais il reste que mes collaborateurs sont beaucoup plus compétents que moi. C’est d’ailleurs ce pourquoi je les ai recrutés.

Quel genre de manager es-tu ? 

Alors ça, c’est une question difficile. Je ne pense pas que je sois une personne différente du manager que je suis. Je suis juste pareil. Mon truc, c’est de déléguer, de faire confiance à la personne. Je pense que la croissance vient avec la pratique et je suis prêt à te laisser faire des erreurs. Je ne serai pas sur ton dos à chaque fois. 

Par contre, encore une fois, pour moi c’est très important de ne pas tricher dans le travail. Même si tu n’arrives pas à faire quelque chose, tant que tu fais un effort sincère pour y arriver, ça me va. 

J’essaie aussi de te donner une indication claire de ce à quoi je m’attends. La plupart du temps, je te laisse trouver comment tu vas le faire. Peut-être que je peux le faire même plus rapidement que toi, mais je veux que tu apprennes à le faire pour que tu développes cette capacité à le faire seul. Donc en gros, te donner une indication claire de ce que je veux, te laisser faire et donner des feedbacks assez réguliers. 

Je t’avoue que gérer les gens, au quotidien, c’est un peu difficile, mais si tu ne peux pas y échapper en tant que fondateur. Par contre, ce qui est gratifiant pour moi, c’est de voir des gens qui expérimentent une croissance personnelle. Il y a des collaborateurs qui n’avaient pas confiance en eux quand ils sont arrivés, à qui on a fait confiance en leur confiant certains projets. La moyenne d’âge ici c’est 25-26 ans, avec 52 % de femmes. C’est souvent leurs premières expériences professionnelles et c’est différent de ce à quoi ils s’attendaient. Voir ces personnes grandir humainement et professionnellement, j’aime vraiment ça. J’aime les gens qui se donnent à 100 %. J’adore cette partie mais le faire au quotidien, c’est un peu difficile.

Qu’est ce qui te fait le plus peur à propos de la vie ? 

Ce qui me fait peur en général, c’est ne pas avoir le temps de laisser de bonnes ressources pour mes enfants, avant de partir. Même pas seulement des ressources financières, mais ce qu’il faut pour avoir une bonne vie : l’éducation, la confiance en soi, la capacité à créer de la valeur, et l’accès à des réseaux. Ne pas avoir le temps de mettre ça en place, ça m’inquiète, ça m’angoisse.

Mais quand il s’agit de travailler, j’ai zéro peur. Je n’ai pas peur d’affronter les gens. Je n’ai pas peur d’affronter les sujets. Aujourd’hui, tu me dis “Allons sur la lune”, on va s’asseoir et on va le faire. Être dans cet état où tu n’as pas peur, pour moi, c’est ça la vraie richesse. Je suis tellement confiant dans ce que je peux faire que je n’ai pas peur de perdre. 

J’ai développé mes compétences. Je sais comment créer de la valeur. J’ai développé mon réseau. Aujourd’hui, si je pars de zéro, je peux faire ce que je veux dans la vie.

Tu parles souvent de compétences et de réseaux. Est-ce ça, les clés du succès ? 

Ce sont deux choses très importantes qui vont t’aider à créer plus de valeur. Ton réseau est très important. Qui tu connais, des gens à qui tu peux faire faire des choses, qui peuvent donner des choses. Ça s’apprend, c’est vraiment une compétence à développer. Cela va de pair avec ta propre compétence. Si t’es pas compétent et que tu arrives dans un réseau, oui, tu peux le pénétrer et gravir les échelons. Mais à un moment, le réseau va se rendre compte que tu es un vendeur d’illusions et il va t’éjecter. Donc, tu dois développer tes compétences. Et développer ses compétences c’est lire, apprendre. 

Moi je lis énormément. Je lis tout ce que je peux trouver. Je sais que les crises qu’on a traversées à Djamo, j’en suis sorti grâce à mes livres. 

En 2021, on avait eu une forte croissance et Djamo ne marchait pas techniquement. Pour faire une opération, ça prenait dix secondes. Multiplié sur des milliers de clients, ça ralentit la plateforme. Je cherchais comment améliorer ça. Mais, j’avais atteint mes limites techniques. À l’époque, on n’était que 3 développeurs et j’étais le plus expérimenté. 

Je suis allé prendre un livre que j’ai lu pendant tout un weekend. J’ai fini le livre, je me suis enfermé pendant une semaine pour développer. On est passé de 11 secondes à une demi-seconde. Et ce que j’ai fait à l’époque, c’est ça qu’on utilise encore aujourd’hui et qui nous permet de “shiper” plus facilement. 

Avec Hassan, c’est pareil. Pour toutes les crises, toutes les difficultés qu’on traverse, on lit. Il faut faire cet effort perpétuel de ne jamais se dire “c’est fini, je connais tout”. Non, tu ne connais pas tout. Il faut lire, il faut apprendre, il faut se former. Donc arriver à développer ces compétences-là et s’appuyer sur un réseau fort, pour moi, ce sont les deux choses qui font que tu n’as plus peur. 

Tu peux tout m’enlever aujourd’hui. Tu peux prendre tout mon argent ou faire tout ce que tu veux. Tu me mets dans un endroit, je ne peux pas rester à terre. Forcément, je vais me relever. J’aurai les compétences qu’il faut, je vais pouvoir toucher les personnes qu’il faut et je vais reprendre de 0. 

Quand tu es dans cet état-là, tu n’as pas peur de prendre des risques, ou d’affronter les choses. C’est ça, la vraie richesse.

Question productivité. Comment intègres-tu l’intelligence artificielle dans ton quotidien ? 

J’utilise ça tout le temps. Pour faire des rapports, pour coder. ChatGPT me permet de faire une architecture rapide, de faire des synthèses assez élaborées de toutes les données que j’analyse, de générer des mails, des contenus et processus. Bien-sûr avec la touche personnelle. Mais c’est un super outil qui a boosté ma productivité. 

En plus, on fait énormément de travaux sur l’intelligence artificielle, le machine learning. Cela nous permet de faire avec un peu plus d’efficience l’identification client, le fait de matcher ton visage à la photo sur ta pièce et d’extraire tes informations. On a pris du temps pour autoriser les changements des photos de profil Djamo parce qu’il y a le potentiel de la fraude qui est l’enjeu pour toutes les FinTech ; savoir si la personne derrière est vraiment qui elle prétend être. Ce n’est que récemment qu’on a pu développer des outils qui nous mettaient assez en confiance. 

Si tu devais déjà partager un peu de cet héritage que tu accumules sur comment devenir la meilleure version de soi-même, que dirais-tu ?

C’est de ne pas avoir peur. Je sais, c’est facile à dire après, mais si je pouvais retourner en arrière pour parler au Régis d’il y a dix, quinze ans, c’est “N’aie pas peur”. 

N’aie pas peur de l’échec parce qu’il fait partie de ta formation, de ta croissance. C’est parce que tu vas échouer que tu vas pouvoir te relever et aller un peu plus loin. Dès que tu commences à percevoir l’échec comme une étape essentielle à ta croissance, tu n’as plus peur d’échouer.

Ce qui nous empêche d’arriver à notre plein potentiel, c’est le fait de se dire “Si j’échoue, les gens vont se moquer de moi. Ça va faire mal”. Oui, ça va te faire mal. Oui, ils vont se moquer de toi. Mais ce n’est pas grave. Ce qui t’attend devant est beaucoup plus intéressant. Je peux te garantir que devant, tout ce que tu as vécu ne sera juste qu’un lointain souvenir. 

C’est difficile à entendre quand on est dans les problèmes. Mais c’est vraiment la leçon que j’ai tirée. Aujourd’hui, le fait d’avoir un semblant de succès avec Djamo, car on y arrive quand même, me conforte. Je sais que même si on échoue demain, on peut faire mieux que ce qu’on a déjà fait. 

Autant que possible, prends de la hauteur pour observer ta trajectoire plutôt que la situation dans laquelle tu te trouves aujourd’hui.

N’aie pas peur. Vas-y vraiment.

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