La fabuleuse histoire de la Tortue made in Ghana

Ceci est l’histoire d’une œuvre de plusieurs vies. Une histoire d’ambition, de solidarité et de coopération, partie d’un quartier pas très ordinaire de la ville de Kumassi (Ghana) et qui a débouché sur une invention tout aussi extraordinaire. Une voiture Made in Ghana entièrement constituée de pièces de récupération: la « Smati Turtle » (Tortue en français).

L’intérêt de la Smati Turtle ne se trouve pas vraiment dans le lieu de sa construction, en l’occurence le Ghana. S’étonner du fait qu’une voiture ait pour origine un pays africain, c’est remettre en cause de la manière la plus gauche possible l’ingéniosité des inventeurs africains. Ce qui fait la beauté de cette œuvre, c’est le contexte et les enjeux de sa fabrication.

Il faut dire qu’à l’époque où elle a été fabriquée, elle représentait non seulement la première voiture Made in Ghana, mais aussi la première voiture au monde à être entièrement fabriquée à base de matériaux de récupération. A une ère où le champ lexical de l’écologie est sur toutes les lèvres, on peut imaginer l’admiration que la naissance de la « Tortue » a bien pu susciter.

Suame Magazine, le quartier d’origine de la Smati Turtle

Suame Magazine, c’est le nom du quartier qui a abrité la construction de la « Tortue ». Il est considéré à raison comme étant le « quartier entrepôt  » de la ville de Kumassi. Il abrite en effet la majeure partie des véhicules d’occasion importés des États Unis et de l’Europe par le biais du port de Tema. Sous son chaud ciel, des milliers de professionnels de l’automobile se sont regroupé et ont élu domicile.

Artisans de Suame Magazine

Là bas, Mécaniciens, soudeurs, ferrailleurs et autres artisans, qu’ils soient formés ou autodidactes, s’activent quotidiennement tels des ouvriers d’une fourmilière pour dépiécer, raccommoder, réparer, rénover puis commercialiser ces voitures communément appelés de « deuxième main ».

Vêtus de leurs uniformes tachetés d’huiles à moteurs et noircis par la terre, les ouvriers de Magazine arrivent toujours à bout des engins dont ils ont à charge la réparation quel que soit leur état de dégradation. Les voitures les plus accidentées trouvent une seconde vie entre les mains de ces spécialistes, c’est de là que leur vient la réputation de « faiseurs de miracles ». Leur professionnalisme a même depuis un moment commencé par attirer les jeunes des pays limitrophes tels le Togo, qui s’y rendent pour se former en réparation d’automobile.

L’autre particularité de ce quartier hors du commun, c’est son système d’organisation qui mérite d’être pris en exemple. Vu leur nombre important, les artisans du quartier se sont en effet organisés en syndicat et ont même mis en place une caisse de retraite, initiative assez rare dans le secteur informel en Afrique.

Le leitmotiv à Magazine : « Si tu le sens en toi, fais-le »

C’est ainsi qu’il y a quelques années, ces artisans ont fait avec un artiste et un sociologue néerlandais, le pari à priori assez fou de fabriquer une voiture à base de matériaux de récup que sont les pièces détachées abondant dans leurs ateliers. Après trois mois de planifications, de répartition des tâches, d’acharnement et de dure labeur, Magazine verra naître sa première Tortue, nom qu’ils donnèrent à la marque nouvellement créée.

Inauguration de la Tortue « SMATI TURTLE 1 »

Bien qu’étant plus rustique que les modèles de voitures déjà existants, le premier modèle du véhicule a été inauguré en Avril 2013 par ses inventeurs, leurs familles peuplant le quartier et les autorités locales. Ce fut aussi l’occasion pour eux de faire appel aux investisseurs pouvant permettre le démarrage d’une production plus massive et plus élaborée de la marque.

Le leitmotiv de ces inventeurs hors pair est celui ci: « si tu sens en toi que tu peux faire quelque chose, fais-le ». Certains d’entre eux comptent d’ailleurs après cette expérience pousser le bouchon plus loin en se lançant dans un projet plus ambitieux, celui de la fabrication d’un hélicoptère.

Si tu sens en toi que tu peux faire quelque chose, fais-le. #smatiturtle Share on X

Smati Turle ou comment déjouer les prévisions en créant ensemble

Dans certains pays d’Afrique, les métiers de l’informel sont réservés aux personnes considérées comme n’ayant pas les capacités intellectuelles requises pour effectuer un parcours scolaire ou aux personnes n’ayant pas eu les moyens d’atteindre un niveau « acceptable » de leur scolarité. Ces derniers sont par conséquent relégués au second plan par la société et même par les gouvernements qui les incluent rarement dans les prévisions législatives et budgétaires.

Rien ne prédestinait les ouvriers de Magazine à un avenir d’inventeurs. Mais lorsque les circonstances l’exigent, nous sommes appelés à nous greffer à une cellule composée de personnes qui peut-être comme nous, apparaissent comme des échecs potentiels, puis factoriser avec eux notre génie caché pour en faire ressortir une œuvre magnifique, le premier maillon de l’accomplissement d’un rêve. Un peu comme l’histoire d’un certain Stévy Wallace.

Ces artisans ont montré au Ghana, à l’Afrique et au monde entier qu’à cœur vaillant et surtout avec une bonne dose de motivation, on peut arriver à donner vie à une Tortue capable de se déplacer à une vitesse de 60km/h.

« Ne rien faire est souvent la meilleure ligne de conduite, mais l’histoire n’a pas été écrite par ceux qui n’ont rien fait »

Partagez cet article à vos amis pour leur rappeler que impossible n’est pas africain.

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Rechercher

Aller à la section