Elhadj Touré est un jeune Franco-guinéen de 26 ans qui ne vit aujourd’hui que par sa parole. Il est pourtant longtemps resté sans voix, privilégiant le silence car persuadé que sa parole n’avait aucune valeur.
D’un HLM au statut de SDF
La vie de Elhadj Touré a été parsemée de rudes épreuves. Il a vécu en banlieue parisienne avec ses 04 frères et sa mère jusqu’à ses 15 ans. Il menait une vie paisible et aimait s’amuser avec les enfants de son quartier. En juillet 2005, sa vie va être bouleversée par un événement inattendu. Alors qu’il avait décidé de rester à la maison ce jour-là, il entendit des cris dans son immeuble. En ouvrant le porte d’entrée, il découvrit qu’un incendie venait de s’y déclarer. Il réussit à sortir de l’incendie sans blessure majeure. Sa famille étant sans papiers, ils ne furent pas relogés immédiatement. Sa mère dû s’endetter pour leur payer des chambres d’hôtel. Cette situation le rongeait. Enfermé dans son silence, il décida de ne plus constituer une charge pour sa mère et quitta la maison . Il devint SDF, s’éloigna de sa famille et commença une lutte sans merci pour sa survie.
« En ce moment-là, j’étais persuadé qu’en prenant la parole, j’allais littéralement changer tous les événements de ma vie »
Dans la rue, il découvrit la peur, la solitude et la colère. Il voulait en sortir. Il réfléchit sur sa vie et se demanda ce qui au plus profond de lui-même lui manquait : de la chaleur humaine. SDF, il n’avait aucune interaction avec les personnes de son entourage. Personne dans la rue ne prête attention aux personnes comme lui. Un déclic se produisit alors en lui. Plus que la chaleur humaine, il lui manquait une voix, la parole. Il commença alors à dire bonjour à toutes les personnes qu’il croisait dans la rue. Ses premiers interlocuteurs le snobèrent mais petit à petit certaines personnes commencèrent à discuter avec lui. Il pouvait se livrer. Grâce à ses “bonjours”, il entra en contact avec une association qui l’aida à retrouver sa famille.
L’éloquence a changé sa vie
Elhadj Touré fit un retour à l’école puis accéda à l’université Paris-8 à Seine-Saint-Denis. Après avoir décroché un diplôme en musicologie, il s’orienta vers la sociologie. Alors qu’il jouait au football Américain, un de ses coéquipiers qui admirait sa manière de s’exprimer lui proposa de participer au concours Eloquantia 2015 à Saint-Denis. Après avoir hésité, il se jeta finalement à l’eau et fit partie des vingt-huit participants à ce concours. Le niveau du concours était tellement élevé que les organisateurs en firent un documentaire A voix haute .
Le rêve vaut-il mieux que la réalité ?
C’est avec ardeur qu’il travailla à l’articulation de ses mots et l’agencement de ses idées. Peu à peu, il franchit les étapes du concours sur le sujet « Le rêve vaut-il mieux que la réalité ? ». Il tira sa réponse de son vécu. C’est avec une classe et une sincérité dans la parole qu’il y répond en disant entre autres
« J’ai essayé de faire comprendre que le rêve a failli me faire sombrer, car je me reposais beaucoup trop dessus en attendant que quelqu’un vienne me sauver. Finalement c’est en acceptant la réalité et en luttant que j’ai réussi à sortir de la rue. »
Ses réponses, la force de sa voix et son langage non verbal séduisent le jury. Il rallie le public à sa cause chaque fois qu’il s’exprime et s’arrache la troisième place du concours. Désormais ambassadeur d’Eloquentia, il fait la promotion du documentaire A voix haute dans les cinémas, les écoles et les plateaux de télévision. Il est aujourd’hui une véritable icône en matière de l’éloquence en France.
« Ika nidé, kouma. Ne reste pas silencieux, prends la parole »
Elhadj Touré veut redonner la parole aux plus démunis.
La parole est une arme qui sert à se défendre. Elhadj Touré Share on XIl prend alors la direction de la Guinée son pays d’origine dont il est profondément amoureux et se consacre au développement durable. Avec son père, il lance plusieurs projets agricoles et même une marque de vêtements Panam’freeK. Dans son combat pour faire compter la voix de la jeunesse guinéenne, il construit une école à Kamsar qui accueille près de 600 élèves. Il ouvre également une bibliothèque à Kakandé.
Le documentaire A voix haute – La force de la parole est encore en diffusion dans les cinémas de France. Vous pouvez y voir le parcours de Elhadj Touré en réservant une place ici. Laissez vous inspirer par ses aventures en le suivant sur Facebook.