Ifè l’Artiste, un showman hors pair dans l’arène des stars

Un soir de Juillet. Concert de Jazz, cocktails et paillettes. Sous les vives lumières de Lomé, au restaurant « La Bella Luna », j’ai rencontré une étoile. Organisé par la talentueuse Noire Velours, ce concert réunissait des amateurs de bonne musique, et par le plus heureux des hasards, un jeune étudiant des Beaux-Arts de Paris.

Franck-Olivier Gnacadja, encore plus connu sous le nom de « Ifè l’Artiste », venait de prendre le micro pour divertir le public durant l’entracte. Ce n’était absolument pas prévu. Néanmoins, tout le monde sait que l’imprévu révèle parfois de belles surprises.

Hypnotisée. C’est bien cela. La foule était hypnotisée, entraînée, « enjaillée ». A quoi reconnait-on un artiste, dites-moi ? Chacun ira de sa préférence en termes de style ou de genre, certes. Mais s’il y a peu de choses qui sur cette terre peuvent faire l’unanimité, la musique, la bonne est incontestablement l’une d’elles. Une musique qui tonne et qui donne, pour emprunter les célèbres termes de J.J Goldman. Et ce soir-là, Ifè l’Artiste n’a laissé aucun choix au public que celui de se réjouir et d’apprécier sa voix.

3 ans plus tard sur la scène de la plus grande compétition de musique du monde, Ifè fera ce qu’il sait faire de mieux : donner des frissons, transporter les foules, chanter de tout son être, donner tout. Et le voilà aujourd’hui aux portes d’une carrière lumineuse qu’il mérite amplement.

Ifè l'Artiste sous l'objectif de Nikos Aliagas.
Credits : Nikos Aliagas

Conkada for life : Un Benco aux beaux-arts de Paris

Né en France, de parents Béninois, Franck-Olivier Gnacadja grandit au Bénin jusqu’à ses 15 ans. Son prénom « Ifè » signifie en Yoruba « Amour« . Et toute sa vie, il manifestera de l’amour pour ce qu’il fait et les gens autour de lui.

Comme la majorité des jeunes enfants de son âge, Ifè gribouille et adore les Mangas. À une différence près. Il dessine nettement mieux que la plupart des gens. Son talent n’échappe à personne, et surtout pas à ses parents, qui décident de l’inscrire dans une école d’art.

Après une prépa agitée où il prend ses marques, celui que son père appelle affectueusement l’Artiste, débarque aux Beaux-arts de Paris, toiles et pinceaux sous le bras. Il est l’un des rares Béninois à fréquenter cette haute institution académique qui a vu éclore de grands artistes Africains comme Emo de Meideros ou encore l’immense Ousmane Sow.

Dans l’allégorie de la Caverne, les Hommes enchainés tournent le dos à la lumière depuis leur demeure souterraine. Dans l’histoire d’Ifè, c’est dans une Cave des Beaux-arts qu’il trouve la lumière, avec trois amis, Martin Faure, Charles Millot et Vincent Roger, eux aussi étudiants à l’ENSBA. Une amitié nait en même temps qu’une fanfare. La Cave des Beaux-Arts est dès lors un groupe qui se produit souvent les soirs, à la sortie des cours. Au Café Héloïse, quand vous avez de la chance, il vous arrivera lors d’une pause Café-Clope de tomber sur une de leurs mythiques soirées Jam.

Avec Ifè au micro, Vincent à la guitare et Martin à la batterie, la Cave des Beaux-Arts sait vous faire danser. Ses concerts improvisés, moments de relaxation uniques, vous font naviguer dans des rythmes de blues, jazz et rap; tirées d’un répertoire qui semble illimité. Et quand le public en redemande, la soirée risque de finir très tard.

Give it to me one time…Give it to me two times. Gimme Gimme Gimme.

Drownings : Ifè l’Artiste, l’art de la Complétude

La vie n’est pas un long fleuve tranquille. La Somme est à son image, elle qui a emporté dans ses courants, Marc-Hervé Gnacadja, petit frère de Ifè, le 17 Février 2016. Ce jour-là, Ifè a perdu sa moitié. Littéralement. Marc-Hervé était pour Ifè, un ami, un confident, un partenaire. On ne pouvait pas rêver mieux pour un frère. Beaucoup les croyaient même jumeaux. Ils étaient inséparables et complets, ensemble.

Mais « MH » est parti, laissant Ifè faire son chemin vers la complétude. C’est la seule réponse qu’il a trouvé à ces « pourquoi » que l’on se pose et auxquels le Ciel ne répond pas. Il s’est accroché à cette réponse, et en a fait le sens de son parcours : « Ton frère est parti pour que tu sois complet« , se dit-il souvent. Ce long chemin vers la sérénité n’aura pas été tâche facile. Lancinante, entêtante et pérenne, une telle douleur ne peut s’oublier. Il est impossible de faire sans. Il est juste possible de composer avec, comme une musique dont la cadence aurait changé.

En 2018, pour rendre hommage à son petit frère, Ifè lance une BD participative nommée « Tagut & Bizu » qui immortalise leurs déboires de jeunes Béninois en France. C’est une idée que lui avait donné Marc-Hervé, dans le temps. Ce dernier n’aura jamais la possibilité de découvrir son avatar « Tagut », dont il a inspiré les traits. Mais des milliers de gens se sont attachés à son personnage et ont rigolé aux aventures des deux frères. Quand l’art redonne vie…

Le jour des auditions à l’aveugle, quand Ifè est monté sur la scène de The Voice, pour chanter « Drowning » c’était pour son petit frère. C’est cette émotion enrobé par sa voix de velours qu’ont ressenti les 4 coaches quand ils se sont retournés. C’est cela qu’à ressenti Lara Fabian lorsqu’elle a dit : “Ifè a une manière de parler de la colère comme on s’en libère et ça fait du bien. Il fait beau quand il chante”.

Il existe des millions de langues dans le monde, mais tout le monde comprend le langage de l’amour même sans des mots. Cet amour d’un grand frère à son petit frère aura conquis des millions de téléspectateurs en France et dans le monde. Ensemble avec Ifè, ils ont chanté « I can’t Breathe« . Parce que l’amour transcende tout.

One love. One heart. One Voice : The Voice

Quand il a reçu le message l’invitant au casting de la saison 9 de The Voice, Ifè a d’abord cru à un canular. Lui qui 3 ans plus tôt avait envoyé sa candidature sans obtenir aucune réponse, se retrouve en 2020 repéré par un chasseur de talents de l’émission. C’est grâce à un de ses voisins qui l’encourage à « mettre son doigt dans tous les trous possibles » qu’il décide d’accorder foi au message et de tenter sa chance. Le résultat est explosif !

De l’audition à l’aveugle à la Demi-finale, Ifè fera son show intensément. Il devient très vite l’un des favoris de la saison dans l’équipe de Marc Lavoine, magnifiant la scène à chacune de ses prestations, lourdes de sens. Ifè l’Artiste ne fait pas que chanter, il possède la scène et la foule. Il porte un message d’amour au cœur. C’est le « One Love » qu’il déclame par son timbre de voix unique.

Son aventure dans la compétition s’arrêtera à la demi-finale, avec une brillante interprétation de « Ne Me Quitte Pas » de Jacques Brel. Mais la fin de cette expérience marque le début de sa carrière. Désormais, celui qui veut faire de l’art vrai, qui touche l’âme du monde, rêve de sortir un EP pour 2021.

En attendant, il continue de créer de la musique en y ajoutant sa patte art-typique, mêlant illustration, peinture et militantisme. Comme Thriller Facts, une cover sorti en Août dernier, où il dénonce les violences policières à l’encontre des Noirs. De retour au Bénin après 3 ans d’absence, l’Artiste prépare un Show privé sur sa terre natale, avec l’espoir de conquérir un peu plus les gens de son pays.

Ifè l'Artiste, concert Cotonou

Pour certains, Ifè évoque un Prince, un Jimmy Hendrix ou un James Brown. Pour d’autres, il est un Basquiat en devenir ou un Kendrick Lamar en puissance. N’en déplaise à toutes ces personnes, Ifè est un artiste exceptionnel qui apportera sa flamme unique au monde.

Le monde a besoin de nos différences indélébiles et de nos authentiques essences. Il n’a pas besoin d’une autre voix qui se perd dans le concert du mainstream.

Le monde n’a pas besoin d’un autre James Brown. Il n’a pas besoin d’un autre Jimmy Hendrix. Le monde a besoin d’un Ifè l’Artiste, complet, qui prendra nos âmes par les tripes.

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